samedi 12 juin 2010

Evola : citation : le travail


Publié par vertusetcombat

On sait quelle valeur négative l'Antiquité gréco-romaine attribua au travail au sens propre et légitime, c'est-à-dire matériel : labor fut parfois l'équivalent de souffrance et de peine, et le verbe laborare put vouloir dire « souffrir » - par exemple laborare ex capite signifiait, en latin, souffrir du mal de tête. Réciproquement, le terme otium, par opposition à labor et à negocium, fut souvent employé par les classiques pour désigner non la fainéantise, mais le temps consacré à des activités non matérielles, intellectuelles, à des étude, à la littérature à la spéculation et autres; l'expression otium sacrum figura dans la terminologie religieuse et ascétique, associée à l'activité contemplative. Nous ne résistons pas ici au plaisir citer un proverbe espagnol : el hombre que trabaja pierde un tiempo muy precioso, à savoir « l'homme qui travaille (au sens propre) perd un temps très précieux ». Perdre ce temps précieux – car susceptible d'être mieux utilisé – peut être une nécessité, une triste nécessité. Mais le point fondamental, c'est qu'il faudrait refuser de faire de cette nécessité une vertu et d'exalter une société dont elle est la clef de voûte.

[…] Le travail pris comme une fin en soi et au-delà de ce qui est nécessaire à la subsistance, est une aberration – et c'est précisément le « travailleur » qui devrait le comprendre : l' »éthique du travail », l' « humanisme du travail », le « travail comme honneur » et autres bavardages, ne sont que des moyens pour le mystifier et pour renforcer les chaînes qui l'attachent au mécanisme de la « production » devenue une sorte de processus autonome.

Explorations. Hommes et problèmes.