jeudi 13 mai 2010

La tragédie de la Garde de fer





Par Julius Evola 

La tragédie de la Garde de fer
 
Bucarest, mars 1938. Notre auto nous conduit en dehors des faubourgs de la ville le long d’une morne route provinciale sous un ciel gris et pluvieux. Nous tournons brusquement à gauche pour nous engager dans un chemin de campagne et nous nous arrêtons alors devant un édifice aux lignes nettes : c’est la Maison verte, le siège de la Garde de fer. « Nous l’avons construite de nos propres mains ! », nous dit non sans un certain orgueil le chef légionnaire qui nous accompagne. Nous entrons et, après avoir traversé une sorte de corps de garde, nous montons au premier étage. Un groupe de légionnaires s’écarte alors et voici que s’avance vers nous un homme jeune, grand et élancé, portant sur le visage une expression peu commune de noblesse, de franchise et d’énergie : les yeux gris-bleus, front haut, c’est l’archétype même aryo-romain. Mêlé cependant aux traits virils, il y a dans l’expression quelque chose de contemplatif et de mystique. Nous avons devant nous Corneliu Codreanu, chef et fondateur de la Garde de fer roumaine — celui que l’on traite d’« assassin », de « séide d’Hitler », de « conspirateur anarchiste » dans la presse vendue du monde entier parce que, depuis 1919, il a jeté le gant à Israël et contre les forces qui, à un titre ou à un autre, agissent comme ses alliés objectifs dans la vie nationale roumaine.

Parmi les nombreux chefs de mouvements nationaux qu’il nous a été donné de rencontrer en Europe, peu — pour ne pas dire aucun — nous ont fait une impression aussi favorable que Codreanu. Il a été un des rares avec qui nous avons pu parler avec une telle (et quasi totale) communion d’idées ; un des rares chez qui nous avons rencontré la capacité de pouvoir s’élever d’une façon aussi nette du plan des contingences pour ramener à des prémisses authentiquement spirituelles une volonté de renouveau politico-national. Et Codreanu lui- même n’a pas caché sa satisfaction de rencontrer enfin quelqu’un avec qui il puisse aller au-delà de la formule stéréotypée du « nationalisme constructif » — formule d’ailleurs bien incapable d’exprimer l’essence profonde du mouvement légionnaire roumain.

Nous vivions alors les heures de la chute du cabinet Goga, de l’intervention directe du roi, de la promulgation de la nouvelle constitution et du plébiscite. Nous étions au fait de tous les dessous de ces bouleversements, mais Codreanu compléta notre vision de la situation en en faisant une lumineuse synthèse. Il était plein de foi en l’avenir ainsi qu’en la victoire prochaine de son mouvement. Si ce dernier n’a ni réagi ni manifesté aucune opposition, ceci procédait de raisons tactiques bien précises : « S’il y avait eu des élections régulières comme le pensait Goga, nous nous serions imposés avec une écrasante majorité » — nous dit textuellement Codreanu. « Toutefois, mis devant l’alternative de dire oui ou non à un fait accompli, c’est-à-dire la constitution, dont l’inspiration revient au Souverain, nous avons refusé de livrer bataille ». Et il ajouta même : « Nous avons emporté la première ligne de tranchée, puis la seconde, puis la troisième, et l’adversaire, à l’abri du réduit où il s’est retranché, tire maintenant sur nous sans même savoir que ce que nous, nous voudrions, c’est lui venir en aide contre son véritable ennemi ». Et nous nous souvenons aussi de cette autre phrase de Codreanu à une question que nous lui posions à propos de son attitude vis-à-vis du roi : « Mais nous sommes tous monarchistes ! Cependant nous ne pouvons renoncer à notre mission et accepter de nous compromettre avec un monde moribond et corrompu ».

Et lorsqu’il tint à nous raccompagner avec sa propre automobile jusqu’à notre hôtel — sans se soucier de ce que ceci pouvait avoir d’exceptionnel (et nous encore moins de l’avertissement reçu de notre Légation selon lequel quiconque rencontrerait Codreanu était expulsé du pays dans les vingt-quatre heures) — et qu’il prit congé, sachant que nous poursuivions notre périple en passant par Berlin et Rome, il nous dit : « À tous ceux qui combattent pour la même cause que nous, dites que je les salue et que le légionnarisme roumain est et sera inconditionnellement à leurs côtés dans la lutte antisémite, antidémocratique et antibolchévique ».

Il vient de paraître récemment, dans la collection Europa Giovane (Casa Editrice Nazionale, Rome-Turin, 1938), la traduction italienne — que l’on nous avait déjà annoncée à Bucarest — du livre de Codreanu portant précisément pour titre La Garde de fer. Il s’agit de la première partie d’un ouvrage qui est simultanément l’autobiographie du Capitaine et l’histoire de la lutte de son mouvement et où l’on trouve bien évidemment aussi l’exposé de sa doctrine et de son programme politique. On peut mettre en parallèle ce livre avec la première partie du Mein Kampf d’Adolf Hitler sans craindre le moins du monde qu’il ressorte diminué d’une telle confrontation. En fait, c’est la force même — et le tragique même — des choses, qui fait que le récit de Codreanu possède une telle puissance suggestive. Et nous pensons que tout fasciste, au sens large, se doit de prendre connaissance, à travers elle, des tragiques et douloureuses vicissitudes d’une lutte qui, sur le sol roumain, n’a fait que répéter celle que nous-mêmes avons affrontée au cours de nos révolutions antidémocratiques et antisémites. Et c’est maintenant l’heure où, en ce domaine, on connaît enfin la vérité qu’occulte ou que déforme une presse tendancieuse : on ne peut se faire une idée exacte des possibles développements futurs de la Roumanie si l’on néglige le facteur représenté par le mouvement légionnaire — réprimé aujourd’hui mais certainement pas hors de combat.

Par sa nature même, le livre de Codreanu ne se laisse pas facilement résumer. Nous ne pouvons ici qu’apporter quelques indications d’ordre général et doctrinal permettant de cerner la nature du mouvement de Codreanu. A peine âgé de vingt ans, ce dernier se lança, dans les années 1919-1920, pas seulement par la parole mais par l’action squadriste, dans la lutte contre le danger communiste au nom de la nation roumaine, faisant le coup de poing contre les ouvriers révoltés, arrachant les drapeaux rouges que ceux-ci avaient hissés sur leurs usines et les remplaçant par le drapeau national. Disciple d’AC Cuza, doyen du nationalisme roumain et précurseur de la lutte antisémite, Codreanu avait déjà su voir, à l’époque, ce qu’aurait réellement signifié la victoire du communisme : non pas une Roumanie ayant à sa tête un régime prolétarien roumain, mais son asservissement, dès le lendemain, sous la plus ignoble des tyrannies. Et dès ce moment-là, Codreanu devint la bête noire de la presse stipendiée par Israël, l’objet d’une campagne féroce de diffamation et de haine qui, à travers lui, visait également alors la foi nationale de tout un peuple. Voici ce qu’écrit Codreanu à ce sujet : « En une seule année, j’en ai appris sur l’antisémitisme à un point tel que ceci pourrait remplir la vie de trois hommes. Parce que je ne peux voir profaner les convictions les plus sacrées d’un peuple — c’est-à-dire ce que son cœur aime et respecte — sans en souffrir au plus profond de moi et sans que la blessure qu’on lui fait ne ruisselle de sang. Cela s’est passé il y a dix-sept ans et la blessure saigne encore ». À l’époque, Codreanu se battait contre ceux qui entonnaient des hymnes à l’internationale rouge, et ses partisans réduisaient en miettes les imprimeries de feuilles sémites où l’on insultait le roi, l’armée et l’Église. Mais un peu plus tard, et cette fois-ci au nom du roi, de l’armée et de l’ordre, une presse roumaine experte à retourner sa veste devait continuer la même campagne contre Codreanu en répandant à longueur de colonnes la haine et la calomnie sur son mouvement.

« Je ne saurais définir », écrit Codreanu, « de quelle façon je suis entré dans la mêlée. Peut-être comme un homme qui marchant dans la rue avec les préoccupations, les pensées et les soucis qui sont les siens, verrait tout-à-coup un incendie dévorer une maison et mettrait bas la veste pour bondir au secours de ceux qui sont la proie des flammes. Avec le simple bon sens d’un garçon de vingt ans, voilà tout ce que m’inspira le spectacle que je voyais autour de moi : nous étions en train de perdre notre patrie, et avec le concours inconscient des malheureux ouvriers roumains spoliés et réduits à la misère, allait désormais régner l’ordre dictatorial et exterminateur d’Israël. C’est poussé par un élan venu du cœur que j’ai commencé, par cet instinct de défense que possède même le dernier des vers de terre — à cette différence près qu’il ne s’agissait pas d’un instinct de conservation individuel, mais de la défense de la race à laquelle j’appartenais. C’est pourquoi j’ai toujours eu la sensation que reposait sur nos épaules toute notre race, avec les vivants mais aussi le cortège de ceux qui sont morts pour elle et de ceux qui sont à naître ; la sensation que la race lutte et s’exprime à travers nous et que, quel que soit le nombre de nos ennemis, en face d’une telle entité historique, il ne s’agit que d’une poignée d’individus sans importance que nous disperserons et que nous vaincrons… L’individu dans le cadre et au service de sa race, la race dans le cadre et au service de Dieu et des lois de la Divinité : quiconque comprend cela triomphera, même s’il est seul. Et quiconque ne le comprend pas mordra la poussière ».

Telle était la profession de foi de Codreanu en 1922, époque où il achevait ses études universitaires. En tant que président de l’Association nationaliste des étudiants en droit, il fixait simultanément les grandes lignes de la campagne antisémite dans les termes suivants : « a - identifier l’esprit et la mentalité étrangers à notre peuple qui se sont insensiblement infiltrés dans les modes de sentir et de penser d’un grand nombre de nos compatriotes ; b - effectuer notre propre désintoxication, éliminer le judaïsme introduit dans notre propre pensée par le biais des livres scolaires, des professeurs, du théâtre et du cinéma ; c - prendre conscience des menées israélites et les démasquer, quel que soit le déguisement dont elles se parent. Car nous avons des partis politiques qui sont, certes, dirigés par des Roumains, mais c’est le judaïsme qui s’exprime à travers eux. Nous avons des journaux roumains, écrits par des Roumains, mais ils ne sont que la tribune du juif et de ses intérêts — de même que nous avons des conférenciers roumains, mais ils pensent, ils écrivent et ils parlent hébreu avec des mots roumains ». Parallèlement à cela étaient également évoqués les problèmes pratiques qui se posaient en termes politiques, nationaux et sociaux : celui de vastes régions de Roumanie littéralement colonisées par des populations exclusivement hébraïques ; celui posé par le fait que la plupart des centres vitaux des grandes villes étaient sous contrôle juif ; celui du pourcentage alarmant de juifs dans les écoles pourcentage atteignant souvent la majorité absolue —, ce qui équivalait à préparer leur invasion et leur hégémonie dans le domaine professionnel pour les nouvelles générations. Il convenait également de dénoncer les minables manœuvres effectuées derrière les coulisses : comme il l’avait déjà fait à l’époque communiste en révélant que les dirigeants du présumé « mouvement prolétarien roumain » étaient tous juifs sans exception, Codreanu n’hésita pas à révéler, cette fois en tant que député du Parlement, comment la majorité des hommes exerçant des responsabilités gouvernementales recevaient de soi-disant « prêts » des banques juives.

A l’arrivée de Mussolini au pouvoir, Codreanu reconnaît en lui un « porteur de lumière qui nous insuffle l’espérance : c’est pour nous la preuve que l’hydre peut être vaincue, la preuve que nous pouvons vaincre ». (Et il ajoutait : « Or, Mussolini n’est pas antisémite. “C’est en vain que vous vous réjouissez”, susurre à nos oreilles la presse juive. Mais moi je dis que ce qui importe, ce n’est pas le fait que nous nous réjouissions, c’est le fait que vous vous inquiétiez, vous, de sa victoire, le fait que, bien qu’il ne soit pas antisémite, il soit l’objet des attaques de la presse juive du monde entier ».

Ce que Codreanu avait vu très justement, c’est que le judaïsme a réussi à dominer à la fois le monde libéral par le biais de la franc-maçonnerie et la Russie par celui du communisme « En détruisant communisme et franc-maçonnerie — écrivait-il —, Mussolini a implicitement déclaré ainsi la guerre à l’hébraïsme ». Or, le récent virage antisémite du fascisme n’a fait que donner pleinement raison à Codreanu).

Pour finir d’éclairer l’attitude antisémite de Codreanu, il convient de retranscrire ici un passage de son livre qui démontre une particulière clairvoyance : « Celui qui s’imagine que les Juifs sont de pauvres malheureux venus ici par hasard, portés par le vent ou conduits par un destin contraire se trompe lourdement. Tous les juifs sans exception qui existent de par le monde forment une grande collectivité cimentée par le sang et par la tradition talmudique. Ils sont encadrés par un État au sens propre, État implacable ayant ses lois, ses plans, des chefs pour définir ces plans et les mener à bonne fin : à la base de tout ceci, il y a le Cahal. De telle sorte que nous ne nous trouvons jamais devant des individus isolés mais en face d’une force constituée : la communauté juive. Dans chaque pays, chaque cité, là où se regroupe un nombre donné d’israélites, se forme immédiatement le Cahal, c’est-à-dire la communauté juive. Ce Cahal possède ses chefs, sa justice à part, etc. Et c’est dans ce petit Cahal, au niveau d’une simple ville ou même d’un pays, que se préparent tous les plans : comment s’attacher les politiciens ou les autorités ; comment s’introduire dans tous les cercles où il s’avère utile de s’infiltrer, comme, par exemple, chez les magistrats, les officiers, les hauts fonctionnaires, etc. ; quelle sera la marche à suivre pour enlever des mains d’un Roumain un secteur commercial donné ; comment éliminer l’honnête représentant d’une autorité opposée aux intérêts judaïques ; quel plan appliquer lorsque, poussée à bout, la population locale se révolte et explose en mouvements antisémites, et ainsi de suite ». Outre cela, il existe des plans généraux à long terme : « 1 - Ils chercheront à rompre les liens entre le Ciel et la Terre en s’attachant à diffuser sur une grande échelle des théories athées et matérialistes, réduisant le peuple roumain — ou, éventuellement, seulement ses chefs — à un peuple séparé de Dieu et de ses morts : en le tuant non pas avec l’épée, mais par l’amputation des racines mêmes de sa vie spirituelle ; 2 - C’est ensuite qu’ils s’attaqueront à ce qui relie la race à sa terre, cette source matérielle de sa richesse, en s’attaquant au nationalisme et à toute idée de patrie et de sol ; 3 - Pour parvenir à ceci, ils chercheront à s’emparer de la presse ; 4 - Ils se saisiront de tous les prétextes pour semer dans le peuple roumain la discorde, le malentendu et la contestation et, si possible, le diviseront encore davantage en factions antagonistes ; 5 - Ils chercheront à s’accaparer toujours plus les moyens d’existence des Roumains ; 6 - Ils les aiguilleront systématiquement sur la voie de la dissolution, ruinant la famille et la force morale et ne négligeant pas l’empoisonnement par le biais de l’alcoolisme et d’autres fléaux. Et, en vérité, quiconque voudrait empoisonner et conquérir une race pourrait y parvenir en adoptant ce système ». Par tous les moyens, depuis l’immédiat après-guerre jusqu’à hier, le mouvement de Codreanu a tenté de combattre sur tous les fronts cette offensive hébraïque conduite en Roumanie par les deux millions et demi de juifs qui y sont présents et les forces affiliées à Israël ou financées par lui.

Le fléau représenté par les politicards et la nécessité de créer un « homme nouveau » sont deux autres idées-force de la pensée de Codreanu. « Le type d’homme qui existe aujourd’hui dans la vie politique roumaine — écrit Codreanu —, je l’ai déjà rencontré dans l’histoire : c’est sous son règne que sont morts les nations et qu’ont péri les États ». Pour lui, le grand péril national réside dans le fait d’avoir déformé et défiguré le type pur de la race romano-dace et d’y avoir substitué « le politicard, cet avorton moral qui n’a plus rien de la noblesse de notre race, qui se déshonore et se suicide ». Tant qu’il existera, les obscures forces anti-nationales trouveront toujours des instruments adéquats, ils pourront toujours ourdir des intrigues au service de leur double jeu. Si la Constitution roumaine de 1938 a mis fin au système des partis, c’est depuis des années que Codreanu avait adopté en ce domaine une position radicale qui lui faisait dire : « Tout homme franchissant la porte d’un parti politique sera un traître à sa génération et à sa race ».

Car il ne s’agit pas, ici, de partis ou de formules neuves mais bien d’un « homme nouveau ». C’est de cette constatation qu’est né le légionnarisme de Codreanu, qui veut être, avant tout, une école de vie, le creuset pour un nouveau type humain en lequel seront développées pleinement toutes les possibilités de grandeur humaine que Dieu a répandues dans le sang de notre race. Légion de l’archange Michel : tel fut le nom de la première fondation légionnaire et, déjà, dans le choix même de cette appellation apparaît le côté mystique, religieux et ascétique d’un tel nationalisme. Pour Codreanu l’essentiel demeure cette création d’un nouveau type humain : le reste est accessoire, et par un processus naturel et fatal, il s’ensuit que c’est grâce à un tel type d’homme régénéré que sera résolu le problème juif, que seront trouvées de nouvelles formes politiques, que jaillira ce magnétisme capable de transporter les foules et de conduire la race sur le chemin de la gloire.

C’est là un aspect particulier et caractéristique du mouvement légionnaire roumain que d’avoir, dans son organisation même en ce qu’on appelle des nids, comme préoccupation fondamentale la création d’une nouvelle forme de vie communautaire imprégnée de rigides critères éthiques et religieux. C’est ainsi que beaucoup pourront être surpris d’apprendre que Codreanu avait imposé la discipline du jeûne deux jours par semaine à tous les adhérents de son mouvement et ses considérations sur la prière — considérations qui sembleraient avoir été formulées davantage par un religieux que par un chef politique — sont particulièrement intéressantes : « La prière est un élément décisif de la victoire. Les guerres sont gagnées par ceux qui ont su attirer de l’éther, des cieux, les forces mystérieuses du monde invisible et s’en assurer le concours. Ces forces, ce sont les âmes des morts, les âmes de nos ancêtres qui furent eux aussi, en leur temps, liés à nos lopins de terre, à nos sillons, qui moururent pour la défense de cette terre et sont aujourd’hui encore liés à elle par le souvenir de leur vie ainsi qu’à nous, leurs fils, petits-fils et arrière petits-fils. Et puis, au-dessus de l’âme des morts, il y a Dieu. Une fois attirées, ces forces pèsent dans la balance : elles protègent, elles insufflent le courage, la volonté et tout ce qu’exige la victoire et elles nous font vaincre. Elles sèment la panique et l’épouvante chez l’ennemi, paralysant son action. En dernière analyse, les victoires ne dépendent pas uniquement de la préparation matérielle, des forces matérielles des belligérants mais de leur capacité de s’assurer le concours des forces spirituelles. La justice et la moralité de notre action et l’appel fervent, le recours à elles sous la forme du rite et de la prière collective, attirent de telles forces ». Encore un passage caractéristique de Codreanu : « Si la mystique chrétienne, dont la fin est l’extase, est le contact de l’homme et de Dieu grâce à un saut de la nature humaine à la nature divine, la mystique nationale n’est rien d’autre que le contact de l’homme et des foules avec l’âme de leur race grâce à un saut que ceux-ci font du monde de leurs intérêts personnels et matériels au monde éternel de la race. Non pas seulement mentalement, car ceci n’importe quel historien peut le faire, mais en le vivant de toute leur âme ». Un autre aspect typique du légionnarisme de la Garde de fer, c’est l’espèce d’engagement ascétique de ses chefs : ceux-ci doivent éviter toute manifestation de richesse ou de simple aisance. Un corps spécial de dix mille hommes — appelé Mota et Marin, du nom de deux chefs de la Garde de fer tombés en Espagne — imposait à ses membres à l’instar de certains anciens ordres chevaleresques, la clause du célibat pour pouvoir faire partie d’un tel corps : afin qu’aucun lieu, qu’il soit mondain ou familial, ne puisse diminuer leur capacité de se jeter à la mort à tout instant.

Quoiqu’il ait par deux fois siégé au Parlement en tant que député, Codreanu s’est affirmé dès le départ comme un adversaire déclaré de la démocratie ; selon ses propres termes, la démocratie détruit l’unité de la race par le système des partis ; elle est incapable de continuité dans l’effort et, comme le sens des responsabilités, le sens de l’autorité lui fait défaut : elle ne possède pas la force de la sanction et fait de l’homme politique l’esclave de ses partisans ; elle est au service de la haute finance ; elle transforme des millions de citoyens cosmopolites en Roumains. Inversement, Codreanu affirmait des principes de sélection sociale et d’élites. Ce dernier a eu une très exacte intuition de la nouvelle politique propre aux nations désireuses de repartir sur de nouvelles bases et dont le principe n’est ni la démocratie, ni la dictature, mais un rapport entre la nation et son chef, et comparable à celui qui existe entre la puissance et l’acte, entre l’obscur instinct et son expression. Le chef de ces nouvelles formes politiques n’est pas élu par la foule mais c’est la foule, la nation qui est d’accord avec lui et reconnaît dans les idées de celui-ci les siennes propres. La prémisse est une sorte de réveil intérieur qui trouve son origine chez le chef et dans l’élite. Évoquons ici les paroles mêmes de Codreanu : « C’est une forme neuve du gouvernement des États, forme jamais rencontrée jusqu’ici. J’ignore quel nom elle prendra, mais je sais qu’elle est neuve. Je crois qu’à la base, elle comporte cet état d’esprit, état propre à une haute conscience nationale qui d’abord, ou ensuite, s’étend peu à peu jusqu’à la périphérie de l’organisme social. C’est un état de clarté intérieure. Ce qui gisait jusque là dans les cœurs en tant qu’instinct de la race se reflète, hors de tels moments, dans les consciences, créant un état d’illumination unanime que l’on ne rencontre que dans les grandes expériences religieuses. Et précisément, on pourrait appeler cet état un état d’œcuménicité nationale. Un peuple parvient, ce faisant, dans son intégrité, à prendre conscience de lui- même, de son sens et de son destin dans le monde. Dans l’histoire, nous n’avons rien rencontré d’autre chez les peuples que des éclairs sans lendemain : de ce point de vue, nous nous trouvons aujourd’hui confrontés à des phénomènes nationaux permanents. A ce moment-là, le chef n’est plus un patron qui fait ce qu’il veut et gouverne selon son bon plaisir : il est l’expression de cet état spirituel invisible, le symbole de cet état de conscience. Il ne fait plus ce qu’il veut mais ce qu’il doit. On ne le juge pas à partir des intérêts individuels ni même collectifs, mais de ceux de la nation éternelle dont ont désormais conscience les peuples. Dans le cadre de ces intérêts-là, et dans ce cadre seulement, ils trouveront naturellement la satisfaction la plus complète aussi bien de leurs intérêts individuels que de leurs intérêts collectifs ».

Que, par suite, Codreanu n’exclut pas que ces nouvelles formes de nationalisme puissent se concilier avec les institutions traditionnelles, ses propres idées sur l’institution monarchique le prouvent éloquemment. Qu’on en juge : « Je récuse la république. A la tête des ethnies, au-dessus de l’élite, il y a la monarchie. Si tous les rois n’ont pas été de bons monarques, la monarchie, par contre, a toujours été bonne. L’homme ne doit pas être confondu avec l’institution sinon l’on en tire des conclusions fausses. Il peut y avoir de mauvais prêtres, mais ce n’est pas une raison suffisante pour en conclure qu’il faut se séparer de l’Église et lapider Dieu. Il y a sans doute des rois faibles ou mauvais, cependant il est impossible de renoncer à la monarchie. Il existe une ligne de vie de la race. C’est lorsqu’il se maintient sur cette ligne que le monarque est grand et bon, et il est petit et mauvais dans la mesure où il s’éloigne de cette ligne de vie de la race — ou bien lorsqu’il s’y oppose. Nombreuses sont les autres lignes qui peuvent tenter un monarque : il doit les écarter toutes pour ne suivre que celle de la race. Telle est la loi de la monarchie ».

Si telles sont, dans leurs grandes lignes, les idées de Codreanu et de sa Garde de fer, les vicissitudes de sa lutte se révèlent tragiquement incompréhensibles : hier encore, elles semblaient être le jouet de quelque horrible malentendu. Nous disons hier encore car, dans la mesure où subsistait en Roumanie le pur système démocratique — avec son asservissement bien connu à toute espèce d’influence indirecte ou de derrière les coulisses et son institution monarchique purement symbolique — , on pouvait comprendre qu’un mouvement comme celui de Codreanu soit contrecarré par tous les moyens et quel qu’en soit le prix par le système en place. Or, aujourd’hui, au nom de principes pratiquement opposés, pour des raisons d’opportunisme, les effets sont identiques et le péril adverse avance à visage découvert. Comment ne pas comprendre ces amères constatations de Codreanu : « Dans les années 1919, 1920 et 1921, la totalité de la presse aux mains des juifs donnait l’assaut à l’État Roumain, déchaînant partout le désordre et exhortant à la violence contre le régime, les institutions, l’Église, l’ordre roumain, l’idée nationale, le patriotisme. Aujourd’hui (en 1936), comme par enchantement, la même presse, exactement aux mains des mêmes hommes, s’est érigée en protectrice de l’Ordre, de l’État, des lois ; elle se déclare contre toute violence et nous, nous sommes devenus les ennemis du pays, les extrémistes de droite, à la solde et au service des ennemis du roumanisme. Et avant longtemps, gageons que nous entendrons aussi que nous sommes subventionnés par les juifs ! ». Et Codreanu poursuit : « Nous avons reçu sur nos joues et sur nos cœurs de Roumains, sarcasmes après sarcasmes, gifles après gifles jusqu’à nous voir réellement dans cette épouvantable situation : les juifs défenseurs du roumanisme, à l’abri de tout tracas, vivant dans la tranquillité et l’abondance ! Et nous, en tant qu’ennemis du roumanisme, menacés dans notre liberté et notre vie, pourchassés comme des chiens enragés par les autorités roumaines. J’ai vu avec mes yeux et j’ai vécu ces heures, rempli d’amertume jusqu’au tréfonds de l’âme. Te mettre à lutter pour ta terre, l’âme pure comme la prunelle des yeux, et lutter des années et des années durant dans la pauvreté et en cachant la faim qui te laboure pourtant le ventre, et puis te voir ensuite désignée sur la liste des ennemis du pays parce que tu es payée par l’étranger — et voir les juifs maîtres du pays, élevée au rôle de gardiens du roumanisme et de l’État Roumain, menacés par toi, jeunesse du pays, c’est quelque chose d’épouvantable ! ».

Que tout ce qui précède ne soit pas simple littérature, le lecteur peut s’en rendre compte en parcourant le livre de Codreanu : il y trouvera une ample documentation sur la via crucis de la Garde de fer : arrestations, persécutions, procès, diffamations, violences physiques. Codreanu lui- même fit l’objet de nombreux procès qui, jusqu’ici, se terminèrent tous par des non-lieux. Chose significative, lorsqu’il fut inculpé d’homicide pour avoir tué de ses mains les bourreaux de ses camarades, dix-neuf mille trois cent avocats venus des quatre coins du pays se proposèrent pour assurer sa défense !

A l’issue de l’expérience du cabinet Goga, le régime démocratique roumain sembla prendre fin pour être remplacé par une nouvelle forme, autoritaire cette fois, de gouvernement. On ne sait quasiment rien, à l’étranger, des dessous d’un tel revirement. Bien que la Garde de fer ait été dissoute, cette nouvelle phase de la politique roumaine n’a pas mis un terme à la lutte menée par Codreanu contre les adversaires de sa conception de la nation et de l’État. Il faut bien voir que le gouvernement Goga fut constitué à titre d’expérience et, parallèlement, à des fins tactiques bien précises. Avec le nationalisme et l’antisémitisme modérés de Goga, ce que l’on cherchait à détourner, c’était les forces que le mouvement de Codreanu attirait à lui et qui y adhéraient chaque jour plus nombreuses : au fond, il s’agissait d’offrir un succédané aisément domesticable. Pour utiliser la formule mussolinienne employée à propos du plébiscite proclamé par Schuschnigg, on s’aperçut assez vite que l’expérience était dangereuse et que l’engin pouvait bien échapper des mains de celui qui l’avait préparé. Car le régime Goga ne fut pas perçu comme un succédané dont il fallait se contenter mais, au contraire, comme le signe préliminaire d’un ralliement au courant du nationalisme intégral : peu importait le fait que Goga fut un adversaire déclaré de Codreanu (et telle avait été une des raisons de son choix), ce qui importait plutôt était son programme qui allait dans le sens du nationalisme et de l’antisémitisme ainsi que dans celui d’une révision de la politique internationale roumaine. C’est la raison pour laquelle — dans le cas où les élections annoncées par Goga auraient eu lieu — ce dernier aurait été emporté par un courant qui, bien que de même origine, aurait été plus fort que lui.

Ayant pris connaissance de ce danger, le roi décida alors d’intervenir personnellement. Il mit fin au régime démocratique et fit promulguer une constitution dont l’objet consistait essentiellement à concentrer, directement ou indirectement, le pouvoir entre les mains du monarque. Il s’agissait d’une révolution autoritaire provenant, comme on dit, à la fois de la Cour et de la place publique. Voyant cela, la Garde de fer décida de dissoudre volontairement, afin de prévenir toute manoeuvre de l’adversaire, le parti Tout pour la patrie qu’elle avait créé. Elle se retira sans bruit, se proposant désormais de concentrer son action essentiellement sur le plan spirituel, se consacrant désormais à la formation spirituelle et à la sélection de l’afflux d’adhérents qui, dans les derniers temps — en raison surtout du fait que chacun considérait le gouvernement Goga comme une étape —, avait rejoint les rangs de Codreanu.

Nous étions en Roumanie à cette époque-là et la solution qui apparaissait aux observateurs roumains les plus sérieux comme éminemment souhaitable et probable, était de mettre un terme à la vieille querelle entre le régime et le légionnarisme pour y substituer une collaboration sur des bases nationales. Il ne s’agissait pas simplement de l’opinion exprimée par le principal théoricien roumain de l’État, Manoilescu, ou de gens qui, comme Nae Jonescu, avaient joué un rôle non négligeable dans le retour du roi dans sa patrie : même le ministre Agetoianu, principal inspirateur de la constitution, n’excluait pas, lors d’une conversation que nous eûmes avec lui, cette collaboration, sous réserve — c’était ses propres mots — que la Garde de fer renonce à ses anciennes méthodes.

Nous serions bien les derniers, ici, à contester que, dans des conditions normales, lorsque la monarchie jouit de l’intégralité de sa puissance et de sa signification, celle-ci n’a nul besoin d’être doublée par une dictature pour exercer régulièrement sa fonction. Mais les choses se présentent différemment dans un État où l’intrigue politique s’est substituée à la fides traditionnelle, où l’hydre apatride a étendu ses tentacules sur la plupart des centres vitaux de la nation, où la démocratie des parties a miné l’intégrité éthique et le sentiment patriotique de vastes secteurs politiques. Lorsqu’il en est ainsi, ce qu’il faut, alors, est un mouvement de rénovation de type totalitaire, quelque chose qui, d’une façon globale, entraîne, fonde, transforme et tende à nouveau vers le haut l’ensemble de la nation en prenant appui sur un nouvel état de conscience et sur les forces que représentent un idéal et une foi. Et l’institution monarchique, lorsqu’elle est présente, n’est pas amoindrie par un tel mouvement national totalitaire : elle est, au contraire, grandie et complétée par lui — comme le démontre l’exemple même de l’Italie. Dans ce contexte, on retenait donc comme désirable et possible la collaboration entre le nouveau régime et le mouvement légionnaire de Codreanu, et ce, d’autant plus que, comme on l’a vu, Codreanu défendait sans réserve l’idée monarchique et qu’il n’a jamais envisagé — et ses propres adversaires ne l’ont même jamais supposé — de se proposer prétendant au trône de Roumanie.

Le récents événements ont démontré l’inanité de telles espérances et n’ont fait que précipiter le drame. Peu après la sanction définitive de la nouvelle constitution, Codreanu a été mis une fois de plus en état d’arrestation. Pour quel motif ? Tout d’abord, on feignit de se souvenir, de longs mois après - alors que pendant toute sa carrière politique, sous l’aiguillon des circonstances, il n’avait quasiment fait que cela - qu’il avait outragé un ministre en exercice. Un peu plus tard, on l’accusa de complot contre la sûreté de l’État… Mais la vérité est que l’arrestation de Codreanu eut lieu presque le jour qui suivit l’Anschluss et l’on peut très vraisemblablement penser que ceci n’avait pas d’autre motif que la peur de voir — en écho au triomphe du national-socialisme autrichien — les forces du nationalisme roumain, jusque-là tenues en laisse, tout emporter. On voulut donc, par un moyen ou par un autre, se débarrasser de leur chef. À l’issue du procès, Codreanu fut condamné à une peine de réclusion de dix ans et l’on arrêta simultanément toute une série de chefs secondaires ainsi qu’une quantité de gens soupçonnés d’appartenir à la Garde ou d’être solidaires avec elle. Qu’avec de telles mesures, on ait voulu chercher l’affrontement et que l’on ait été encore très loin de la stabilisation de la situation politico-nationale, chacun en Roumanie s’en rendit compte. Ce que chacun put également constater, c’est que si les précédents procès intentés à Codreanu — à une époque où ses adversaires jouissaient, par le biais de la corruption démocratique, de toutes les facilités — avaient dû invariablement se conclure par sa relaxe, c’est précisément cette fois sous les auspices de la nouvelle constitution anti-démocratique et « nationale » que l’on condamnait Codreanu ! Ceci ne pouvait être pris que comme un défi jeté à toutes les forces du légionnarisme national roumain qui, bien que latentes et dispersées, n’en étaient pas moins présentes et nombreuses encore. Quoique rien de très précis n’ait réussi à filtrer de ce dernier procès, il fut bien clair que la condamnation était soit excessive, soit insuffisante : car si vraiment c’est de complot contre la sûreté de l’État que Codreanu pouvait être convaincu positivement, étant donné l’animus qui avait conduit à ce procès, il y avait là une excellente occasion de le mettre définitivement hors d’état de nuire puisque, pour ce type de délit, la nouvelle constitution prévoit la peine capitale. Or, on avait dû se limiter à dix ans de prison.

Ce que l’on n’avait pas osé faire à ce moment-là fut cependant fait plus tard et ce qui était prévisible finit par arriver fatalement. Une fois passé le premier moment de stupéfaction, les forces fidèles à Codreanu engagèrent une action terroriste de représailles : Le « bataillon de la mort » entra en scène, un tribunal national secret se constitua, dont l’objet était de juger et de frapper tous ceux qui, du point de vue légionnaire, attentaient à la nation. Ce changement d’attitude atteignit son paroxysme après la capitulation de Prague et les accords de Munich, mais ne fit, en définitive, que conduire à une situation chaque jour plus difficile : dès lors, les arrestations se multiplièrent, l’injustice appelle contre elle l’injustice ; récemment, le recteur de l’université de Cluj, personnage particulièrement hostile à la Garde, a été assassiné ; deux gouverneurs de province ont reçu du mystérieux tribunal national légionnaire la sentence de mort, laquelle doit être exécutée au cours du mois de janvier… La situation a atteint un tel point de non-retour que de très hautes personnalités — parmi lesquelles un prince de sang et le général Antonescu, déjà ministre de la guerre sous le gouvernement de Goga et actuellement commandant du deuxième corps d’armée — viennent d’être soit démises, soit exilées, soit en état d’arrestation. Les événements se précipitent et, sous la pression d’une exacerbation générale, nous voici maintenant arrivés au dernier acte de la tragédie. Le 30 novembre, un laconique communiqué officiel annonçait que Codreanu, ainsi que treize autres légionnaires appartenant aux instances dirigeantes du mouvement et arrêtés avec lui, avaient été abattus par la police au cours d’une « tentative d’évasion ». Leurs corps auraient été inhumés, une fois faites les constatations d’usage, trois heures après — soit presque immédiatement, de façon à couper court à toute possibilité d’enquête ultérieure.

Le paroxysme de la tension a donc ainsi été atteint et le retentissement suscité par cet événement à travers toute la Roumanie, où les fidèles de Codreanu se comptent désormais par millions, est énorme. L’état de siège qui était en vigueur dans plusieurs régions vient d’être étendu à l’ensemble du Royaume : rarement, au cours de son histoire, la Roumanie a connu des heures aussi troublées.

Ce qu’il faut retenir, au terme de cet exposé, est que : ou bien Codreanu était de la pire mauvaise foi — hypothèse que quiconque l’a approché ne serait-ce qu’un instant, quiconque a senti la foi, l’enthousiasme et la profonde sincérité qu’exprimait le moindre de ses écrits, ne peut qu’exclure -, ou bien il est impossible d’admettre que son mouvement ait eu un quelconque caractère subversif, finalité de toute façon étrangère à une reconstruction nationale de type fasciste ou national-socialiste, d’autant plus qu’il respectait le principe monarchique. Que conclure ? Eh bien, il n’est que trop légitime de s’interroger sur la véritable nature des forces qui ont provoqué, ou tout au moins favorisé, la tragédie de la Garde de fer. Lors de la dernière arrestation de Codreanu, nous étions alors à Paris et nous avons entendu un véritable hurlement de joie délirante accompagner la nouvelle de son arrestation dans les feuilles spécialisées de l’antifascisme et du socialisme apatride. Ce n’est pas une gageure que de dire qu’après la Tchécoslovaquie, la Roumanie est, dans toute l’Europe Centrale, le dernier carré — disposant de nombreuses ressources et précieux tant du point de vue économique que stratégique — qui soit resté aujourd’hui encore à l’abri du jeu des forces obscures en action dans les grandes démocraties, la haute finance et le socialisme apatride. Et, pour de telles forces, représenter les intérêts de gens incapables d’une vision des choses à long terme, comme moyen et comme fin, et passer sur des cadavres — même s’il s’agit de ceux d’une jeunesse noble et généreuse qui s’était vouée au seul service du pays —, ce ne sont là qu’enfantillages.
 
notes

La Vita Italiana, n° 309, décembre 1938, repris dans Domani n° 2/3, mai 1978.