mardi 31 août 2010

dimanche 11 juillet 2010

un fascisme spirituel (II)

(1)

Sur la Garde de Fer, les principaux textes légionnaires sont les suivants: C Z Codreanu, la Garde de Fer, eed. Prométhée, Paris, 1938; C Z Codreanu, le livre du chef de nid, ed Pamântul, Madrid, 1978; C Z Codreanu, Journal de prison, Pardès, Puiseaux, 1986; C Z Codreanu, Circolari e manifesti, All’insegna del Veltro, Parme, 1984; H. Sima, Histoire du mouvement légionnaire (1919,1937), éd. Dacia, Rio de Janeiro, 1972; F. Bradesco, Antimachiavélisme légionnaire, éd. Dacia, Rio de Janeiro, 1963; F. Bradesco, Le nid, unité de base du Mouvement Légionnaire, éd. Carpatii, Madrid, 1973; F. Bradesco, Les trois épreuves Légionnaires, éd. Prométhée, Paris 1973. F. Bradesco, La Garde de Fer et le terrorisme, éd. Carpatii, Madrid, 1979. P. Chinoaga, Un chapitre d’histoire roumaine, éd. Prométhée, Paris, 1962; Ion Motza, l’uomo nuovo, Ar, Padoue, 1977; Claudio Mutti (éd), Al passo con l’Archangelo, Ritmi legionnari, All’insegna del Veltro, Parme, 1982; M. Sani (éd), Testamento de Ion Motza, All’unsegna del Veltro, Parme? 1984. Les principales études sur la Garde de Fer sont les suivantes: E. G. Roberts, les mouvements nationalistes en Roumanie, Bucarest, 1948; P Guiraud, Codreanu et la Garde de Fer, éd. du Francisme, Paris, 1940, 2 ème édition éd. Prométhée, Paris, 1968, 3ème édition du Trident, Paris, 1990. j; et j. Tharaud et J., L’envoyé de l’archange, Plon, Paris, 1939; M. Ambri, I falsi fascismi: Ungheria, Jugoslavia, Romania, 1919-1945, Jouvence, Rome, 1980; C. Sburlati, Codreanu et la Guardia di Ferro, Giovanni Volpe éd. Rome, 1977; A. E. Ronnett, Romanian Nationalism: the legionnary Movement, Loyola University Press, Chicago 1974; Agathon et Vulfran Mory, Codreanu et la Garde de Fer: le dossier, éd. du Trident, Paris, 1991; E. Weber, «Romania» dans H. Rogget et E. Weber (éd.), The Européan Right, An historical profile, University of California Press, Berkeley-Los Angeles, 1996, pp. 501-574; E. Weber, «The men of Archangl», Journal of contempory history, 1966 pp. 101-126. N. Nazy-Talavera, the green Shirts and the others. A history of fascism in Hungary and Romania, Stanford, 1971; le numéro spécial de la revue Totalité, «Un mouvement chevaleresque au XX ème siècle: la Garde de Fer», n° 18-19, 1984, qui reprend de nombreux textes parus dans la revue italienne Domani, n°2-3, 1978. Les articles d’Evola sur le sujet sont: «légionarismo ascetico: colloquio col capo della «Guardie di Ferro», Regime Fascista, 27 mars 1938, tr. fr. P. Baillet, «Légionnarisme ascétique: rencontre avec le chef des « Gardes de Fer», Totalité n°2, 1977, pp. 6-10 et Totalité n°18-19, 1984, pp. 198-204; «Nationalismo ed ascesi: la Guardia di Ferro» [nationalisme ascétique: la Garde de Fer], Corriere Padano, 14 avril 1938; «Dopo l’assassinio di Codreanu: la tragedia del legionarismo romeno» [Au sujet de l’assassinat de Codreanu: la tragédie du légionnarisme roumain], Corriere Padano, 14 avril 1938; «Nella tormenta romena: voce d’oltretomba», [Dans la tourmente roumaine: voix d’outre-tombe], Quadrivio, 11 décembre 1938; «la tragedia della «Guardia di Ferro» romena: Codreanu» [la tragédie de la «Garde de Fer» roumaine: Codreanu], La Vita Italiana, XXVI-309,décembre 1938, pp. 730-744, tr. fr. G. Boulanger, «la tragédie de la Garde de Fer roumaine», Totalité, n°18-19, 1984, pp.179-197. «Il mio incontro con Codreanu» [Ma rencontre avec Codreanu], Civilta I-2, sept-oct. 1973, pp. 51-54.



vendredi 9 juillet 2010

Un "fascisme spirituel": la garde de fer

Evola s'intéressa tout particulièrement au fascisme roumain tel qu'il est représenté dans la structure de la Garde de Fer et dans la personne de Corneliu Zelea Codreanu. La garde de fer étant relativement peu évoquée dans les études sur les fascismes, il conviendra de retracer son histoire (I), avant de traiter l'analyse évolienne de ce mouvement (II).

lundi 5 juillet 2010

Le mystère de la naissance-l’hérédité historique et l’hérédité d’en haut




Avec "Sintesi di dottrina della razza", publié en 1941 chez l’éditeur Hoepli comme suite logique de l’exposition des théories racistes contenues dans "Le Mythe du sang", Evola, nous dit le préfacier de l’édition publiée cinquante trois ans plus tard par Ar, formula une doctrine de la race fondée sur la notion traditionnelle de l’homme comme être tripartite, c’est-à-dire formé de trois éléments : esprit, âme, corps. Adriano Romualdi écrit à juste titre qu’il serait absurde de définir le racisme d’Evola comme un "racisme de l’esprit", car la race est avant tout une donnée psycho-physique", et a vu justement dans cette théorie évolienne "une analyse du fait racial intégrée dans une dimension plus profonde" ; pourtant, on ne peut pas nier que la caractéristique de la doctrine exposée dans "Synthèse" consiste en l’application de la catégorie "race" à l’élément spirituel de l’homme, autrement dit en l’entreprise osée de priver cette catégorie de la valeur brutalement naturaliste en laquelle elle risquait de s’épuiser à cause du pesant héritage positiviste et scientiste".

L’oeuvre comprend cinq parties, à savoir : "La race comme idée révolutionnaire", "Les trois degrés de la doctrine de la race", "la race de l’âme et la race de l’esprit", "la race aryenne et le problème spirituel", "la race et le problème de la nouvelle "élite"". Dans le sixième chapitre de la troisième, Evola aborde un problème fondamental qu’il avait déjà traité dans "Révolte contre le monde moderne" et qu’il sera amené à étudier encore une fois, quelques années après la publication de "Synthèse", dans "La doctrine de l’éveil" ; et, en l’occurence, il le fait, bien entendu, à un point de vue racial.


Quelques retouches ont été apportées à la version française publiée par L’Homme Libre en 2002.
Le mystère de la naissance. L’hérédité historique et l’hérédité d’en haut.


Il est cependant bon de faire précéder l’exposition des principes directeurs de cette partie du racisme par quelques considérations sur le problème de la naissance, pour éclaircir définitivement ce que nous avons dit de l’hérédité.

Même si on est venu à bout de toutes les principales objections que, d’un point de vue immédiat, pratique ou intellectualiste, de bonne ou de mauvaise foi, on a l’habitude d’élever contre la doctrine de la race, il semble en rester une, aussi insurmontable que décisive. On peut nous dire : bien, tout ce que vous affirmez est juste. Mais, tout compte fait, un homme est-il coupable d’être né dans une certaine race et non dans une autre ? Est-il donc responsable du fait qu’il a des parents ou des ancêtres "aryens", juifs, nègres ou peaux-rouges ? A-t-il donc voulu tout cela ? Avec votre théorie de la race vous vous en tenez, malgré tout, à un point de vue purement naturaliste. Vous faites d’une donnée naturelle un destin et vous y bâtissez votre système au lieu de porter votre attention essentiellement sur les valeurs dans lesquelles la personnalité humaine peut vraiment entrer en jeu et qu’on peut attribuer à celle-ci.

C’est là, en quelque sorte, l’ultima ratio des adversaires du racisme. Et il faut reconnaître que cette objection n’est ni spécieuse ni étrange, mais qu’elle a une portée réelle, si l’on n’adhère pas aux déformations matérialistes et collectivistes qu’a subies la doctrine en question et qu’on se place au contraire au point de vue traditionnel, qui fait toujours ressortir les valeurs de la personnalité. Cependant, envisager cette objection, c’est affronter immédiatement le problème de la naissance. D’un point de vue supérieur, spirituel, la justification de l’idée raciste dépend de ce problème et de sa solution.

Arriver à des points de référence solides en la matière est cependant fort difficile aussi longtemps qu’on reste dans le cadre des vues qui ont été introduites en Occident avec l’avènement du christianisme. Et ce n’est pas par hasard : race et suprarace, culte du sang, aryanité, sont toutes des notions qui se formèrent et s’affirmèrent essentiellement dans des civilisations préchrétiennes. C’est dans ces traditions et dans leur sagesse qu’il faut donc chercher les éléments d’une solution aux problèmes que le retour de ces idées soulève aujourd’hui. Les conceptions de l’homme et de la vie plus récentes ne pourront nous fournir que des points de vue incomplets et souvent inadéquats.


Aussi ne faut-il pas s’étonner que le problème de la naissance reste considérablement obscur par rapport à la vision chrétienne du monde. Pour des raisons précises et assurément non arbitraires, que nous ne pouvons pas exposer ici, l’Église dut rejeter l’idée de la préexistence, qu’avaient toujours reconnue les traditions précédentes : elle a donc nié que le noyau spirituel de la personnalité préexiste à la naissance terrestre ainsi que, naturellement, à la conception. Dans la théologie chrétienne, les choses, à cet égard, ne se présentent pas toujours d’une manière aussi simple que pourrait le faire croire cette négation. Pourtant, la vue fondamentale du christianisme est que toute âme humaine est unique et qu’elle est créée du néant par Dieu lorsqu’elle est insufflée dans un corps ou un embryon humain apte à la recevoir. Qu’un homme soit né dans une race plutôt que dans une autre devient alors un mystère théologique : "Dieu l’a voulu ainsi" et, d’ordinaire, on admet que la volonté divine est impénétrable.

La conception de l’ancienne humanité à cet égard était fort différente et c’est la seule qui permet de dépasser l’objection que nous avons déjà signalée. Pour une exposition complète de cette conception, nous devons encore une fois renvoyer le lecteur à Révolte contre le monde moderne : en résumé, nous nous limiterons ici à dire que, à ce point de vue, la naissance n’est ni un hasard, ni le fait de la volonté divine ; être fidèle à sa nature n’est pas une passivité, mais témoigne de la conscience plus ou moins claire d’un lien profond entre notre moi et quelque chose de transcendant et de supraterrestre, qui peut produire un effet transfigurant. C’est là l’essence de la doctrine du karma et du dharma, doctrine qu’il ne faut pas confondre avec l’idée de la "réincarnation". Comme nous l’avons démontré ailleurs, la théorie de la réincarnation est soit une conception étrangère à la spiritualité "aryenne", qui est essentiellement celle des cycles de civilisations préaryens, tellurico-matriarcaux, soit l’effet de méprises et de déformations auxquelles certaines vues traditionnelles ont donné lieu dans certains milieux théosophistes modernes. Si, dans le monde traditionnel, et même aryen, il y a apparemment des témoignages précis en faveur de la croyance en la réincarnation, en réalité, il ne s’agit ici que de la forme symbolique qu’un savoir supérieur a dû revêtir pour le peuple et les non initiés.
De toute façon, pour le problème qui nous occupe, il faut se référer, non pas à la réincarnation, mais à la doctrine selon laquelle le moi humain comme moi doté d’une nature propre déterminée est l’effet, le produit, le mode d’apparition, dans certaines conditions d’existence, d’une entité spirituelle qui lui préexiste et le transcende. Et, puisque tout ce qui est temps, d’une manière ou d’une autre, est uniquement quelque chose d’inhérent à la condition humaine, il n’y a pas, strictement parlant, de préexistence, d’antériorité au sens temporel.

On entre dans un domaine fort difficile, par là même que les conceptions et les formulations qui sont les nôtres ici-bas ne peuvent pas s’y appliquer et que, si l’on s’en sert pour décrire une réalité différente, elles peuvent facilement conduire à des falsifications et à des déformations. Quoi qu’il en soit, il est nécessaire de distinguer une double hérédité. Celle qui préexiste à l’individu au sens temporel, et non transcendantal, est l’hérédité des parents, de la famille, de la race, d’une certaine civilisation, d’une certaine caste, etc., et partant, plus ou moins, tout ce qu’on entend communément par hérédité. Mais tout ceci n’épuise pas la réalité spirituelle de l’individu, comme le voudraient le matérialisme et l’historicisme : ce qu’il faut considérer comme déterminant et essentiel, c’est une intervention d’en haut, un principe revêtant et utilisant comme matériau d’expression et d’incarnation tout ce que cette hérédité a acquis, ses lois et ses déterminismes. De plus, il faut voir que l’hérédité biologico-historique d’une lignée déterminée est choisie et adoptée lorsqu’elle peut représenter approximativement une sorte d’expression analogique d’une hérédité transcendantale.

C’est pourquoi, dans tout être, deux types d’hérédité se rencontrent et convergent, l’une terrestre, historique, que, dans une large mesure, on peut définir positivement, l’autre spirituelle, supraterrestre. Ce qui établit un lien entre elles, et donc ce qui détermine la synthèse qui définit une nature humaine déterminée, c’est un événement, qui est rendu par différents symboles dans les diverses traditions, et qu’il n’est pas possible d’étudier ici. Au fond, comme nous l’avons indiqué, ce qui entre en jeu ici, c’est une sorte de loi des "affinités électives". Pour l’illustrer par des applications, nous dirons, par exemple, qu’on n’est pas homme ou femme, de telle ou telle race ou caste, etc., parce qu’on est nés ainsi, par hasard, par la "volonté de Dieu" ou par un mécanisme de causes naturelles, mais, inversement, si l’on est nés ainsi, c’est parce qu’on était déjà homme ou femme, de telle ou telle race ou caste, etc., naturellement, par analogie, dans le sens d’une disposition, vocation ou intention transcendantale que, faute de concepts adéquats, nous ne pouvons entrevoir que dans ses effets. D’une certaine manière, on a donc l’interférence de la ligne horizontale d’une hérédité terrestre et de la ligne verticale d’une hérédité non terrestre. C’est lorsqu’elles se croisent que, selon l’enseignement traditionnel, se produit la naissance ou, pour mieux dire, la conception d’un nouvel être, l’incarnation. La race, la caste, etc., existent donc dans l’esprit avant de se manifester dans l’existence terrestre et historique. La diversité provient d’"en haut", ce qui s’y rapporte sur la terre n’est que reflet et symbole. Tel on a voulu être selon une nature primordiale et une réflexion transcendantale, tel on est. Ce n’est pas la naissance qui détermine la nature, mais, inversement, c’est la nature - au sens le plus large, car, là encore, les mots courants sont traîtres - qui détermine la naissance.

Julius EVOLA



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dimanche 4 juillet 2010

Tradition in Revolt (the scorpion)


Julius Evola, Revolt Against the Modern World. Inner Traditions, Rochester 1995

The works of the artist and intellectual Baron Julius Evola are classics, classics to the kind which are often quoted, often referred to, whose status is unquestioned, but which have nevertheless lead a cryptic, even marginal existence in the history of modern European thought. Part of the reason for this in Evola's case may be that his philosophical works are certainly not always easy to read and many readers cannot understand Italian and must wait for a translation.

Evola is not classifiable, not in relation to his main themes, still less in relation to specific spiritual or political positions. How far the word "political" can usefully apply to Evola at all is debateable. He followed the early development of Fascism in Italy in the twenties with considerable, even enthusiastic sympathy, but he was a thorn in the side of Fascism once it had itself become the established order. In Germany, where he went on a lecturing tour during the war, he was met with polite scepticism. He was badly injured in an air-raid in Vienna in 1945 and remained a cripple until his death in 1974. He was not active in any of the post-war rightist movements in republican Italy, although he continued intellectual discussions with the sons and grandsons of former Fascists.

Along with René Guénon and Leopold Ziegler, Julius Evola belongs to a school of thought which, in the twenties and thirties, subjected Western Enlightment (historically speaking understood by these thinkers as an agent of modernism), to a fundamental critique. The difficulty of Evola's approach lies in the fact that a comparison between European-American modern society on one hand, and the Mediaeval or Indo-Aryan feudal one on the other, is impossible within a universal historical perspective, they are too far apart. A crucial argument of Rivolto contro il mondo moderno is that the modern world has in any case broken away from all historical awareness whereas "Traditional" structures, for exemple the Greco-Roman or the Irano-Indian, were organized on the basis of their awareness of their own belonging, belonging that is, to the "eternal" unchanging cycles of human history. The Ancient World at the time of Plato were aware of everything recurring in history; the worst Age, the Age of Iron would necessarily be followed by a new Golden Age. The social structure of traditional societies is hierarchical because they are a reflection of the hierarchy of the cosmos, timeless realitiy: "above" are the Priests, Kings, Knights; "Beneath" are the folk, lay persons, dependents, farmers. Evola called this the "solar order".

The modern world has put an end to all that and has replaced it with its own concept of (dis)order. The individualism of modern societies, which are without Tradition, accepts neither that people are unequal nor that Authority and Hierarchy as such defy analysis. the characteristic of the modern Age, which Evola equates with the "Age of Iron", outlines and forseen in nearly all pre-modern societies, is the loss of identity and the rise of collectivism, a characteristic of Bolshevist and Western societies alike. But Evola could also not identify entirely with the fascist model and he distanced himself from the Third Reich.

To read Rivolta contra il mondo moderno can be compared to taking a camera journey to the moon. It is simultaneously "out of the world" and compelling. The writer assumes that his reader is fairly knowledgeable in history and philology as well as being prepared to start from a radically new (or radically old) point of departure. If nothing else though, this book will demonstrate to the reader the ephemeral, indeed wholly marginal character of the prevailing social order, but this is not a book which can be recommended in the normal way. Either someone takes the trouble to devote to this 420 page work the effort it requires or he should let it be. The value of such a work as this is certainly not going to be reflected in its sales figures. But it is a classic for all that.

(Karl Richter, The Scorpion, No.17, Spring 1995)



samedi 3 juillet 2010

Report to Himmler on Julius Evola














Our knowledge of the relations between Evola and National-Socialist circles between 1933 and 1945 has increased in the last few years through the publication, in 1986, of 'Julius Evola nei documenti segreti del Terzo Reich' ('Julius Evola in the Secret Documents of the Third Reich') by Europa di Roma ; in 1997, of 'Julius Evola nei documenti segreti del 'Ahnenerbe' ('Julius Evola in the Secret Documents of the Ahnenerbe') by Fondazione Julius Evola ; and in 2000, again by Fondazione Julius Evola, of 'Julius Evola nei rapporti delle S.S.' ('Julius Evola in the Reports of the S.S.'). From the mid-80's, these documents, mainly taken from the Bundesarchiv in Koblenz and the Berlin Document Centre, happened to be in the possession of Renato del Ponte, the editor of the well-known Evolian review Arthos, who, for contingent reasons, could not publish any of them until, in the December 1999 - January 2000 issue, he was able to produce 'The Weisthor File'.
Here, taken from this article, is a report by a certain 'Weisthor' to Himmler on a lecture given in German by Evola in Germany in 1938. Please note that, according to Renato del Ponte, the translation into Italian that can be found in 'Julius Evola nei rapporti delle S.S.' noticeably varies from his, as we present it here ; we have not been able to check the other so far.
Needless to say 'Weisthor' was the alias under which, in September 1933, Karl Maria Wiligut, a former officer of the Austro-Hungarian army, placed himself in the service of the S.S., in which he was considered as an expert in Germanic prehistory.
A REPORT TO HIMMLER ON EVOLA
SS-Brigadefuehrer K.M. Weisthor W.Schb.
R Hademannstr. 24 Berlin SW 68
R.A. III 2309/J/65 - 2 February 1938
Subject: lecture by Baron Evola, Restoration of the
West on the Basis of the Original Aryan Spirit.
Reference: letter of the 22 January 1938,
Tgb. Nr. AR/83 Pt/V
Attachment: text of Baron Evola
To: The Reichsfueher SS Heinrich Himmler
Prinz Albrecht Str. 8 Berlin SW 11
Reichsfuehrer!
Please find returned herewith the text of Baron Evola's lecture: 'Restoration of the West on the Basis of the Original Aryan Spirit', that was sent to me by Obersturmfuehrer Dr. Brandt. I have read the extremely interesting theses set out therein and I would like to submit here my own point of view on these matters.
The concepts set forth by Evola do originate in the world of the original Aryan Ideas. The writer shows a vision of the world leading back to an Imperial Idea in the essential sense of the word. The basic concept of this vision of the world is the Law of Cause and Effect. This means, in other words, that something which has happened is an accomplished fact, that is to say, it has already become cause of further effects. It is an Aryan duty to 'shape' these facts in an Aryan way. If we consider the contemporary consequences of WWI, this necessity appears to us in all its gravity. In the first instance, notably, these consequences take a demonic spiritual form which accentuates the titanic-telluric aspect, i.e., the material aspect.
If Aryan culture is to be supreme, that is to say, if Aryan man is once again to fully dominate the world of matter (the telluric world), then the bearers of the Aryan heritage in our Aryan Europe must consider the Spiritual aspect, namely the Solar conception, to be of primary importance. It is only in this way that the Aryan Imperial Idea can be actualised, since matter, in itself, is merely the visible manifestation of Eternity or of the eternal cycle, which can be dominated and guided only with the help of the force of Spirit.
This awareness leads us to the conviction that Feminine Spirituality must be put at the service of the fulfillment of Aryan goals, so that the eternal generative force, as basis and starting point of every material development, does not lose its Spiritual direction. To deny the existence of Feminine Spirituality reminds us of the Christian view expressed at the Council of Trent, which doubted whether Woman had a soul. Such a one-sided position towards the laws of Cosmic Rhythm leads to degeneracy in every case. The proof of this is that all the forces that do not want an evolution towards the Heights make use of this to distort any asceticism into an abortive form.
On the one hand, Bolshevism cultivates the Feminine element so excessively that it manages to disrupt the balance of the divine unity of the Spirit, when it asserts the right of Woman to rule. This implies the breaking of the 'duality' which guarantees the unity of the Spirit (generation). In this respect, Bolshevism uses the Feminine for its own obscure purposes, disrupting the evolution towards the Heights of which the Aryan Man has always been the first exponent. In fact, these infernal forces that are opposed to the Solar Principle were not unknown in the ancient Aryan world.
However, the fact that Baron Evola does not recognise at all the contribution of Feminine Spirituality contrasts with our sense of the 'Solar Spiritual Order'. For the development of future ages, it is important to prevent a dualism between the Masculine Principle and the Feminine Principle. What brings me to these considerations is the fact that Evola, in his exposition, perfect in other respects, speaks of a Demonic Feminine, completely forgetting in the process that the Divine Unity, for the purposes of eternal generation, has to contain a double aspect. Everything must be done by the Aryans to nip in the bud any conflict in the practical world, where these forces have to be unified.
I am taking this opportunity to emphasise that the ancient Aryan world already knew a diversification of the roles of Woman, as expressed by Hexa, Druda, Wala and Albruna. With the Valkyries were then created the warlike women, who always followed their Aryan principles with force and faith.
It is only where degeneration occurred in the process of historical development that a hegemony of Woman with negative effects on the whole, as seen from an Aryan point of view, came about.
In the course of our history the mythic traditions of our people were doomed to become obscured (let us bear in mind the effects of Catholicism in this connection), only to be made accessible once more to peoples of later ages, if ever. This is why we cannot close our souls to myths, sagas, tales and orally transmitted traditions, but we must take them into consideration as sources of our so often distorted history, to the extent that they can stand up to objective examination.
In relation to this, I would like to speak of the concept of Truth. To many, Truth is only a personal and subjective opinion, related to the present of the individual and of the people as a whole. To us, men, Truth is the Divine knowledge that transmits the Law of Cause and Effect. Only the Solar Light leads us to be aware that we are a reflection of the Becoming of Creation and of the fact that we must obey its laws (the Laws of Cause and Effect). To believe in the Divine is the highest Aryan expression of Spiritual Will. The result of all this is that there must be men who have to act decisively for the whole people, in accordance with the imperatives of their Racial inheritance, in this case Aryan, for, otherwise, they would risk being eternally caught in the vortex of time, which would prevent them from continuing to act for their Race.
As long as this spiritual awareness and this vision of the world are Racially conditioned, the idea of Race becomes the supporting basis of the whole people. It is only thus that this high Spiritual quality which can be understood by each Race in question, alone, develops. It is only thus that the Races that represent this ferment which conditions the eternal cycle of Races on earth can continue to do so until they return to the Cosmos through their evolution, after they have brought to completion those tasks assigned to them at their Creation on Earth by the Divine Will.
It is ideas of this sort which gave birth to the concept of the Goths as leaders of all the Teutonic ethnic groups and as Sages of the 'Divine Cosmos', whose Aryan functions as Goden (Spiritual guides) remained until today in their component sub-Races, communities, and ethnic groups, despite the corrosive action exercised by Catholicism.
K.M. WEISTHOR
SS-Brigadefuehrer
Notes:
(1) Anyone even slightly familiar with Evola's work is bound to wonder what 'Weisthor''s reasons were for implying that Evola denied the existence of 'Feminine Spirituality'. Since Willigut was not dishonest, it can only be assumed that he just lacked information on Evola's work. More generally, Nazi officials in charge of making reports on Evola's series of lectures in Germany in 1938 do not seem to have had first hand information on it, nor on Evola's precise relations with the Fascist regime. Another proof of this lack of information can be found in a review sent to the head of the NSDAP Racial Policy Department, Dr Gross, by Dr Huettig on 'Sintesi di Dottrina della Razza' on the 9th of september 1942, in which Dr Huettig stresses that Evola 'was not authorised' to call the doctrine of race he had set out 'Synthesis of Fascist Racial Doctrine', when Mussolini had already explicitly authorised Evola to call the German edition of 'Sintesi di Dottrina della Razza' - 'Synthesis of Fascist Racial Doctrine' - which was the title under which it was published in 1942 in Germany ('Grundrisse der Faschistischen Rassenlehre', E.Runge, Berlin).
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vendredi 2 juillet 2010

jeudi 1 juillet 2010

mercredi 30 juin 2010

Introduction à l'oeuvre de Ludwig F. Clauss

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Robert STEUCKERS:

Introduction à l'œuvre de Ludwig Ferdinand CLAUSS (1892-1974)

Né le 8 février 1892 à Offenburg dans la région du Taunus, l'anthropologue Ludwig Ferdinand Clauss est rapidement devenu l'un des raciologues et des islamologues les plus réputés de l'entre-deux-guerres, cumulant dans son œuvre une approche spirituelle et caractérielle des diverses composantes raciales de la population européenne, d'une part, et une étude approfondie de la psyché bédouine, après de longs séjours au sein des tribus de la Transjordanie. L'originalité de sa méthode d'investigation raciologique a été de renoncer à tous les zoologismes des théories raciales conventionnelles, nées dans la foulée du darwinisme, où l'homme est simplement un animal plus évolué que les autres. Clauss renonce aux comparaisons trop faciles entre l'homme et l'animal et focalise ses recherches sur les expressions du visage et du corps qui sont spécifiquement humaines ainsi que sur l'âme et le caractère.

Il exploite donc les différents aspects de la phénoménologie pour élaborer une raciologie psychologisante (ou une «psycho-raciologie») qui conduit à comprendre l'autre sans jamais le haïr. Dans une telle optique, admettre la différence, insurmontable et incontournable, de l'Autre, c'est accepter la pluralité des données humaines, la variété des façons d'être-homme, et refuser toute logique d'homologation et de centralisation coercitive.

Ludwig Ferdinand Clauss était un disciple du grand philosophe et phénoménologue Edmund Husserl. Il a également été influencé par Ewald Banse (1883-1953), un géographe qui avait étudié avant lui les impacts du paysage sur la psychologie, de l'écologie sur le mental. Ses théories cadraient mal avec celles, biologisantes, du national-socialisme. Les adversaires de Clauss considéraient qu'il réhabilitait le dualisme corps/âme, cher aux doctrines religieuses chrétiennes, parce que, contrairement aux darwiniens stricto sensu, il considérait que les dimensions psychiques et spirituelles de l'homme appartenaient à un niveau différent de celui de leurs caractéristiques corporelles, somatiques et biologiques. Clauss, en effet, démontrait que les corps, donc les traits raciaux, étaient le mode et le terrain d'expression d'une réalité spirituelle/psychique. En dernière instance, ce sont donc l'esprit (Geist) et l'âme (Seele) qui donnent forme au corps et sont primordiaux. D'après les théories post-phénoménologiques de Clauss, une race qui nous est étrangère, différente, doit être évaluée, non pas au départ de son extériorité corporelle, de ses traits raciaux somatiques, mais de son intériorité psychique. L'anthropologue doit dès lors vivre dans l'environnement naturel et immédiat de la race qu'il étudie. Raison pour laquelle Clauss, influencé par l'air du temps en Allemagne, commence par étudier l'élément nordique de la population allemande dans son propre biotope, constatant que cette composante ethnique germano-scandinave est une “race tendue vers l'action” concrète, avec un élan froid et un souci des résultats tangibles. Le milieu géographique premier de la race nordique est la Forêt (hercynienne), qui recouvrait l'Europe centrale dans la proto-histoire.

La Grande Forêt hercynienne a marqué les Européens de souche nordique comme le désert a marqué les Arabes et les Bédouins. La trace littéraire la plus significative qui atteste de cette nostalgie de la Forêt primordiale chez les Germains se trouve dans le premier livre évoquant le récit de l'Evangile en langue germanique, rédigé sous l'ordre de Louis le Pieux. Cet ouvrage, intitulé le Heliand (= Le Sauveur), conte, sur un mode épique très prisé des Germains de l'antiquité tardive et du haut moyen âge, les épisodes de la vie de Jésus, qui y a non pas les traits d'un prophète proche-oriental mais ceux d'un sage itinérant doté de qualités guerrières et d'un charisme lumineux, capable d'entraîner dans son sillage une phalange de disciples solides et vigoureux. Pour traduire les passages relatifs à la retraite de quarante jours que fit Jésus dans le désert, le traducteur du haut moyen âge ne parle pas du désert en utilisant un vocable germanique qui traduirait et désignerait une vaste étendue de sable et de roches, désolée et infertile, sans végétation ni ombre. Il écrit sinweldi, ce qui signifie la «forêt sans fin», touffue et impénétrable, couverte d'une grande variété d'essences, abritant d'innombrables formes de vie. Ainsi, pour méditer, pour se retrouver seul, face à Dieu, face à la virginité inconditionnée des éléments, le Germain retourne, non pas au désert, qu'il ne connaît pas, mais à la grande forêt primordiale. La forêt est protectrice et en sortir équivaut à retourner dans un “espace non protégé” (voir la légende du noble saxon Robin des Bois et la fascination qu'elle continue à exercer sur l'imaginaire des enfants et des adolescents).

L'idée de forêt protectrice est fondamentalement différente de celle du désert qui donne accès à l'Absolu: elle implique une vision du monde plus plurielle, vénérant une assez grande multiplicité de formes de vie végétale et animale, coordonnée en un tout organique, englobant et protecteur.

L' homo europeus ou germanicus n'a toutefois pas eu le temps de forger et de codifier une spiritualité complète et absolue de la forêt et, aujourd'hui, lui qui ne connaît pas le désert de l'intérieur, au contraire du Bédouin et de l'Arabe, n'a plus de forêt pour entrer en contact avec l'Inconditionné. Et quand Ernst Jünger parle de “recourir à la forêt”, d'adopter la démarche du Waldgänger, il formule une abstraction, une belle abstraction, mais rien qu'une abstraction puisque la forêt n'est plus, si ce n'est dans de lointains souvenirs ataviques et refoulés. Les descendants des hommes de la forêt ont inventé la technique, la mécanique (L. F. Clauss dit la Mechanei), qui se veut un ersatz de la nature, un palliatif censé résoudre tous les problèmes de la vie, mais qui, finalement, n'est jamais qu'une construction et non pas une germination, dotée d'une mémoire intérieure (d'un code génétique). Leurs ancêtres, les Croisés retranchés dans le krak des Chevaliers, avaient fléchi devant le désert et devant son implacabilité. Preuve que les psychés humaines ne sont pas transposables arbitrairement, qu'un homme de la Forêt ne devient pas un homme du Désert et vice-versa, au gré de ses pérégrinations sur la surface de la Terre.

A terme, la spiritualité du Bédouin développe un “style prophétique” (Offenbarungsstil), parfaitement adapté au paysage désertique, et à la notion d'absolu qu'il éveille en l'âme, mais qui n'est pas exportable dans d'autres territoires. Le télescopage entre ce prophétisme d'origine arabe, sémitique, bédouine et l'esprit européen, plus sédentaire, provoque un déséquilibre religieux, voire une certaine angoisse existentielle, exprimée dans les diverses formes de christianisme en Europe.

Clauss a donc appliqué concrètement —et personnellement— sa méthode de psycho-raciologie en allant vivre parmi les Bédouins du désert du Néguev, en se convertissant à l'Islam et en adoptant leur mode de vie. Il a tiré de cette expérience une vision intérieure de l'arabité et une compréhension directe des bases psychologiques de l'Islam, bases qui révèlent l'origine désertique de cette religion universelle.

Sous le IIIième Reich, Clauss a tenté de faire passer sa méthodologie et sa théorie des caractères dans les instances officielles. En vain. Il a perdu sa position à l'université parce qu'il a refusé de rompre ses relations avec son amie et collaboratrice Margarete Landé, de confession israélite, et l'a cachée jusqu'à la fin de la guerre. Pour cette raison, les autorités israéliennes ont fait planter un arbre en son honneur à Yad Vashem en 1979. L'amitié qui liait Clauss à Margarete Landé ne l'a toutefois pas empêché de servir fidèlement son pays en étant attaché au Département VI C 13 du RSHA (Reichssicherheitshauptamt), en tant que spécialiste que Moyen-Orient.

Après la chute du IIIième Reich, Clauss rédige plusieurs romans ayant pour thèmes le désert et le monde arabe, remet ses travaux à jour et publie une étude très approfondie sur l'Islam, qu'il est un des rares Allemands à connaître de l'intérieur. La mystique arabe/bédouine du désert débouche sur une adoration de l'Inconditionné, sur une soumission du croyant à cet Inconditionné. Pour le Bédouin, c'est-à-dire l'Arabe le plus authentique, l'idéal de perfection pour l'homme, c'est de se libérer des “conditionnements” qui l'entravent dans son élan vers l'Absolu. L'homme parfait est celui qui se montre capable de dépasser ses passions, ses émotions, ses intérêts. L'élément fondamental du divin, dans cette optique, est l' istignâ, l'absence totale de besoins. Car Dieu, qui est l'Inconditionné, n'a pas de besoins, il ne doit rien à personne. Seule la créature est redevable: elle est responsable de façonner sa vie, reçue de Dieu, de façon à ce qu'elle plaise à Dieu. Ce travail de façonnage constant se dirige contre les incompétences, le laisser-aller, la négligence, auxquels l'homme succombe trop souvent, perdant l'humilité et la conscience de son indigence ontologique. C'est contre ceux qui veulent persister dans cette erreur et cette prétention que l'Islam appelle à la Jihad. Le croyant veut se soumettre à l'ordre immuable et généreux que Dieu a créé pour l'homme et doit lutter contre les fabrications des “associateurs”, qui composent des arguments qui vont dans le sens de leurs intérêts, de leurs passions mal dominées. La domination des “associateurs” conduit au chaos et au déclin. Réflexions importantes à l'heure où les diasporas musulmanes sont sollicitées de l'intérieur et de l'extérieur par toutes sortes de manipulateurs idéologiques et médiatiques et finissent pas excuser ici chez les leurs ce qu'ils ne leur pardonneraient pas là-bas chez elles. Clauss a été fasciné par cette exigence éthique, incompatible avec les modes de fonctionnement de la politicaille européenne conventionnelle. C'est sans doute ce qu'on ne lui a pas pardonné.

Ludwig Ferdinand Clauss meurt le 13 janvier 1974 à Huppert dans le Taunus. Considéré par les Musulmans comme un des leurs, par les Européens enracinés comme l'homme qui a le mieux explicité les caractères des ethnies de base de l'Europe, par les Juifs comme un Juste à qui on rend un hommage sobre et touchant en Israël, a récemment été vilipendé par des journalistes qui se piquent d'anti-fascisme à Paris, dont René Schérer, qui utilise le pseudonyme de «René Monzat». Pour ce Schérer-Monzat, Clauss, raciologue, aurait été tout bonnement un fanatique nazi, puisque les préoccupations d'ordre raciologique ne seraient que le fait des seuls tenants de cette idéologie, vaincue en 1945. Schérer-Monzat s'avère l'une de ces pitoyables victimes du manichéisme et de l'inculture contemporains, où la reductio ad Hitlerum devient une manie lassante. Au contraire, Clauss, bien davantage que tous les petits écrivaillons qui se piquent d'anti-fascisme, est le penseur du respect de l'Autre, respect qui ne peut se concrétiser qu'en replaçant cet Autre dans son contexte primordial, qu'en allant à l'Autre en fusionnant avec son milieu originel. Edicter des fusions, brasser dans le désordre, vouloir expérimenter des mélanges impossibles, n'est pas une preuve de respect de l'altérité des cultures qui nous sont étrangères.

Robert STEUCKERS.

-Bibliographie: Die nordische Seele. Artung. Prägung. Ausdruck, 1923; Fremde Schönheit. Eine Betrachtung seelischer Stilgesetze, 1928; Rasse und Seele. Eine Einführung in die Gegenwart, 1926; Rasse und Seele. Eine Einführung in den Sinn der leiblichen Gestalt, 1937; Als Beduine unter Beduine, 1931; Die nordische Seele, 1932; Die nordische Seele. Eine Einführung in die Rassenseelenkunde, 1940 (édition complétée de la précédente); Rassenseelenforschung im täglichen Leben, 1934; Vorschule der Rassenkunde auf der Grundlage praktischer Menschenbeobachtung, 1934 (en collaboration avec Arthur Hoffmann); Rasse und Charakter, Erster Teil: Das lebendige Antlitz, 1936 (la deuxième partie n'est pas parue); Rasse ist Gestalt, 1937; Semiten der Wüste unter sich. Miterlebnisse eines Rassenforschers, 1937; Rassenseele und Einzelmensch, 1938; König und Kerl, 1948 (œuvre dramatique); Thuruja, 1950 (roman); Verhüllte Häupter, 1955 (roman); Die Wüste frei machen, 1956 (roman); Flucht in die Wüste, 1960-63 (version pour la jeunesse de Verhüllte Häupter); Die Seele des Andern. Wege zum Verstehen im Abend- und Morgenland, 1958; Die Weltstunde des Islams, 1963.

- Sur Ludwig Ferdinand Clauss: Julius Evola, Il mito del sangue, Ar, Padoue, 1978 (trad.franç., Le mythe du sang, Editions de l'Homme Libre, Paris, 1999); Julius Evola, «F. L. Clauss: Rasse und Charakter», recension dans Bibliografia fascista, Anno 1936-XI (repris dans Julius Evola, Esplorazioni e disamine. Gli scritti di “Bibliografia fascista”, Volume I, 1934-IX - 1939-XIV, Edizioni all'Insegna del Veltro, Parma, 1994); Léon Poliakov/Joseph Wulf, Das Dritte Reich und seine Denker. Dokumente und Berichte, Fourier, Wiesbaden, 1989 (2ième éd.) (Poliakov et Wulf reproduisent un document émanant du Dr. Walter Gross et datant du 28 mars 1941, où il est question de mettre Clauss à l'écart et de passer ses œuvres sous silence parce qu'il n'adhère pas au matérialisme biologique, parce qu'il est «vaniteux» et qu'il a une maîtresse juive); Robert Steuckers, «L'Islam dans les travaux de Ludwig Ferdinand Clauss», in Vouloir, n°89/92, juillet 1992.


mardi 29 juin 2010

Julius Evola : Orientations (THEATRUM BELLI)

Julius Evola : Orientations

medium_the-argonath.2.jpgIl est inutile de se créer des illusions avec les chimères d'un optimisme quelconque : nous nous trouvons, aujourd'hui, à la fin d'un cycle. Depuis des siècles, déjà, d'abord insensiblement, puis avec le mouvement d'une masse qui roule, des processus multiples ont détruit en Occident tout ordonnancement, normal et légitime, des hommes, et ont faussé toutes les plus hautes conceptions de l'art de vivre, d'agir, de connaître et de combattre. Le mouvement de cette chute, sa vélocité, son vertige, a été dénommé "progrès". Au "progrès" furent entonnés des hymnes et l'on se forgea l'illusion que cette civilisation — civilisation de matière et de machines — était la civilisation par excellence, celle à qui était dévolue par avance toute l'histoire du monde.

Dans le domaine des nations et des puissances de l'histoire, l'ultime période, spécialement après la seconde guerre mondiale, a présenté un exemple évident de ce que W. Wundt a appelé l'hétérogenèse des effets. Tout se passe comme si des forces étaient échappées des mains de ceux qui les avaient évoquées, donnant lieu à des processus qui ont conduit en des directions fort diverses de celles des fins originairement poursuivies, en un jeu d'actions et de réactions, et de chocs en retour. Des influences de derrière les coulisses de la réalité tangible peuvent avoir eu une part en tout ceci, agissant en un sens destructif pour l'Occident entier.

C'est ainsi qu'à une considération objective, une constatation s'impose : nous nous trouvons, aujourd'hui, au milieu d'un monde en ruines. Le problème à se poser est le suivant : existe-t-il des hommes debout au milieu de ces ruines ? Et que doivent-ils, que peuvent-ils faire encore ? Quelle doit être leur orientation ?

Un tel problème, en vérité, outrepasse les fronts politiques d'hier, étant clair que vainqueurs et vaincus se trouvent désormais sur le même plan et que le seul et unique résultat de la seconde guerre mondiale a été une Europe déchue de son rang et de sa culture, affectée d'un désordre mal réfréné, presque réduite à l'état d'objet de puissances et d'intérêts extra-européens. Toutefois, on doit reconnaître que la dévastation, qui s'étend autour de nous, est de caractère essentiellement moral. On se trouve dans un climat de générale anesthésie morale, de profonde désorientation, malgré tous les mots d'ordre en usage dans une société de consommation et de démocratie : l'affaissement du caractère et de toute vraie dignité, le marasme idéologique, la prévalence des plus bas intérêts, la vie à la journée, servent généralement à caractériser l'homme de l'après-guerre. Le reconnaître signifie également reconnaître que le premier problème, base de tout autre, est de caractère intérieur : se relever, ressusciter intérieurement, se donner une forme, créer en soi-même un ordre et une droiture. ll n'a rien appris des leçons du passé récent, celui qui s'illusionne, aujourd'hui, à propos des possibilités d'une lutte purement politique et à propos du pouvoir de telle ou telle formule, voire de tel ou tel système, auxquels ne ferait point contre-partie une nouvelle qualité humaine. Voici un principe qui, aujourd'hui, plus que jamais, devrait posséder une évidence absolue : si un Etat possédait un système politique ou social qui, en théorie, vaudrait comme étant le plus parfait, mais si la substance humaine en était tarée, eh bien ! cet Etat descendrait tôt ou tard au niveau des sociétés les plus basses, alors qu'un peuple, une race capable de produire des hommes vrais, des hommes de juste perception et de sûr instinct, atteindrait un niveau élevé de civilisation et se tiendrait debout en face des épreuves les plus calamiteuses, même si son système politique était défectueux et imparfait. Que l'on prenne donc une position précise contre ce faux "réalisme politique", qui pense seulement en termes de programmes, de problèmes organisateurs à base de partis, de recettes sociales et économiques. Tout ceci appartient au contingent, non à l'essentiel. La mesure de ce qui peut être encore sauvé dépend, au contraire, de l'existence ou non d'hommes qui sont face à nous, non pour prêcher des formules, mais pour être des exemples, n'allant pas au devant de la démagogie, ni du matérialisme des masses, mais capables de réveiller des formes diverses de sensibilité et d'intérêt. En partant de ce qui peut encore subsister parmi les ruines, reconstruire lentement un homme nouveau pour l'animer au moyen d'un esprit déterminé et d'une vue adéquate de la vie, pour le fortifier au moyen d'une adhésion absolue à des principes donnés — tel est le vrai problème.

medium_TB_6.bmp.jpgQuant à l'esprit, il existe quelque chose qui déjà peut servir de chemin aux forces de la résistance et du relèvement : c'est l'esprit légionnaire. C'est l'attitude de celui qui sut choisir la voie la plus dure, de celui qui sut combattre, même en sachant que la bataille était matériellement perdue, de celui qui sut éprouver les paroles de l'antique saga : "Fidélité est plus forte que feu", à travers lesquelles s'affirma l'idée traditionnelle qui est le sens de l'honneur ou de la honte — non de petites mesures, tirées de petites morales — ce qui crée une différence substantielle, existentielle entre les êtres, presque comme entre une race et une autre race.

D'autre part, il y a la réalisation propre à ceux chez qui ce qui était une fin apparut désormais comme un moyen, l'admission en eux du caractère illusoire de mythes multiples, laissant intact ce qu'ils surent atteindre pour eux-mêmes, aux frontières sises entre vie et mort, au-delà du monde de la contingence.

Ces formes de l'esprit peuvent être les bases d'une nouvelle unité. L'essentiel est de les assumer, de les appliquer et de les étendre du temps de guerre au temps de paix, de cette paix surtout, qui est seulement une pause et un désordre mal contenu — pour que se détermine une discrimination et un nouveau front. Ceci doit survenir en termes bien plus essentiels que de "parti", lequel ne peut être qu'un instrument contingent en vue de luttes politiques données ; en termes plus essentiels même que de simple "mouvement", si, par "mouvement", on entend seulement un phénomène de masse et d'agrégation, un phénomène plus quantitatif que qualitatif, davantage basé sur des facteurs émotifs que sur une sévère et claire adhésion à une idée. Il s'agit plutôt d'une révolution silencieuse, procédant en profondeur, que l'on doit favoriser, afin que soient d'abord créées, à l'intérieur et en chacun, les prémisses de cet ordre qui devra ensuite s'affirmer aussi à l'extérieur, en supplantant, rapide comme l'éclair, au juste moment, les formes et les forces d'un monde de subversion. Le "style", qui doit acquérir tout son relief, est celui de qui se maintient sur les positions de fidélité à lui-même et à une idée, en une intensité recueillie, en une répulsion pour tous les compromis, en un total engagement que l'on doit manifester, non seulement dans la lutte politique, mais aussi en chaque expression de l'existence : dans les usines, dans les laboratoires, dans les universités, dans les rues, dans la vie personnelle elle-même et dans ses affections. On doit en venir au point que le type dont nous parlons et qui doit être impossible à confondre, différencié, et que l'on puisse se dire : "En voici un qui agit comme un homme du mouvement".

Cette consigne, qui fut déjà celle des forces qui rêvèrent, pour l'Europe, d'un ordre nouveau, mais qui, en sa réalisation, fut souvent entravée et déviée par de multiples facteurs, doit être reprise aujourd'hui. Et aujourd'hui, somme toute, les conditions sont meilleures, parce que n'existent pas d'équivoques et qu'il suffit de regarder autour de soi, de la place publique jusqu'au Parlement, pour que les vocations soient mises à l'épreuve et que l'on ait, nette, la mesure de ce que nous ne devons pas être. Face à un monde d'ordure, dont le principe est : "Qui t'oblige à faire cela ? ", ou encore : "Avant tout, l'estomac, la peau, et puis la morale...", ou encore : "Ces temps ne sont pas de ceux où l'on puisse se permettre le luxe d'avoir du caractère", ou enfin : "J'ai une famille", que l'on sache opposer un clair et ferme : "Nous, nous ne pouvons faire autrement. Ceci est notre voie. Ceci est notre être". Ce qui de positif pourra être atteint, aujourd'hui ou demain, ne le sera pas à travers les habiletés des agitateurs et des politiciens, mais bien à travers le prestige naturel et la reconnaissance d'hommes, soit d'hier, soit, plus encore, de la génération nouvelle, pourvu qu'ils soient capables de telles choses et qu'en cela ils présentent une garantie pour leur idée.

Il s'agit donc d'une nouvelle substance qui doit prendre place selon une lente avancée par delà les cadres, les rangs et les positions sociales du passé. Il s'agit d'une figure nouvelle qu'il convient d'avoir sous les yeux, pour y mesurer notre propre force et notre propre vocation. Il est important, voire fondamental, de reconnaître précisément que cette figure n'a que faire avec les classes en tant que catégories économiques, ni avec les antagonismes qui s'y rapportent. Elle pourra se manifester sous les aspects du riche comme du pauvre, du travailleur comme de l'aristocrate, de l'entrepreneur comme de l'explorateur, du technicien, du théologien, de l'agriculteur, de l'homme politique au sens strict du terme. Mais cette substance nouvelle connaîtra une différenciation interne, laquelle sera parfaite lorsque, de nouveau, il n'y aura point de doute à propos des vocations et des fonctions de suivre et de commander, quand le symbole restauré d'une indiscutable autorité trônera au centre de nouvelles structures hiérarchiques.

medium_Guerrier_futuriste_2.jpgCeci définit une direction aussi antibourgeoise qu'antiprolétarienne, une direction totalement libérée des contaminations démocratiques et des coquecigrues "sociales", parce que conduisant vers un monde clair, viril, articulé, fait d'hommes et de conducteurs d'hommes. Mépris pour le mythe bourgeois de la "sécurité", de la petite vie standardisée, conformiste, routinière et "moralisée". Mépris pour le lien anodin, propre à tout système collectiviste et mécaniste et à toutes les idéologies qui accordent à de confuses valeurs "sociales" la primauté sur les valeurs héroïques et spirituelles avec lesquelles doit se définir, pour nous, en tout domaine, le type de l'homme vrai, de la personne absolue. Alors quelque chose d'essentiel sera obtenu, lorsque se réveillera l'amour pour un style d'impersonnalité active, en face duquel ce qui compte est l'oeuvre et non l'individu, en face duquel on est capable de ne point se considérer soi-même comme quelque chose d'important, seules étant, au contraire, importantes la fonction, la responsabilité, la charge assumée, la fin poursuivie. Là où cet esprit s'affirmera, se simplifieront maints problèmes, même d'ordre économique et social, lesquels resteraient, au contraire, insolubles s'ils étaient affrontés du dehors, sans aller de pair avec un changement de facteurs spirituels et sans l'élimination d'infections idéologiques, qui déjà, au départ, portent préjudice à tout retour de la normalité, voire à la perception même de ce que signifie normalité.

Il est ensuite important, non seulement comme orientation doctrinale, mais aussi par rapport au monde de l'action, que les hommes du nouveau front reconnaissent avec exactitude l'enchaînement des causes et des effets, ainsi que la continuité essentielle du courant qui a donné la vie aux diverses formes politiques, actuellement en lice dans le chaos des partis. Libéralisme, puis démocratie, puis socialisme, puis radicalisme, enfin communisme et bolchevisme, ne sont historiquement apparus que comme des degrés d'un même mal, que comme des stades, dont chacun prépare le suivant, dans l'ensemble d'un processus de chute. Le début de ce processus se trouve au point où l'homme occidental rompit ses liens avec la tradition, méconnut tout symbole supérieur d'autorité et de souveraineté, revendiqua pour lui-même, en tant qu'individu, une liberté vaine et illusoire, devint un atome au lieu d'une partie consciente dans l'unité organique et hiérarchique d'un tout. A la fin, l'atome devait trouver contre lui la masse des autres atomes, des autres individus, et être emporté dans l'apparition du règne de la quantité, du nombre pur et simple, des masses matérialisées et n'ayant d'autre Dieu que l'économie souveraine. Dans un tel processus, on ne s'arrête pas à mi-chemin. Sans la Révolution française et le libéralisme, n'auraient pas eu lieu le constitutionnalisme, ni la démocratie ; sans la démocratie, n'auraient pas eu lieu le socialisme, ni le nationalisme démagogique; sans la préparation du socialisme, n'auraient pas eu lieu le radicalisme, ni finalement le communisme. Le fait que ces diverses formes, aujourd'hui, se présentent souvent les unes à côté des autres, ou bien en antagonisme, ne doit pas empêcher de reconnaître, pour un oeil qui voit vraiment, qu'elles se tiennent l'une l'autre, s'enchaînent, se conditionnent mutuellement et expriment seulement les divers degrés d'un même courant, d'une même subversion de tout ordonnancement social, normal et légitime. Ainsi la grande illusion de nos jours est que démocratie et libéralisme soient l'antithèse du communisme et qu'ils aient le pouvoir d'endiguer la marée des forces d'en-bas, de ce qui, dans le jargon des syndicats, s'appelle le mouvement "progressiste". Illusion : analogue à celle qui dirait que le crépuscule est l'antithèse de la nuit, que le début d'un mal est l'antithèse de sa forme aiguë et endémique, qu'un poison dilué est l'antidote du même poison à l'état pur et concentré. Les hommes de gouvernement n'ont rien appris de la plus récente histoire, dont les leçons se sont répétées partout jusqu'à la monotonie, et ils continuent leur jeu émouvant avec des conceptions politiques déchues et inanes, dans le carnaval parlementaire, devenu presque une danse macabre sur un volcan latent. Mais c'est à nous, au contraire, que doit être propre le courage du radicalisme, le non lancé à la décadence politique sous toutes ses formes, tant de gauche que d'une droite présumée. On doit, surtout, être conscient de ceci : à savoir que l'on ne pactise pas avec la subversion, qu'aujourd'hui faire des concessions signifie se condamner à être totalement englouti demain. Donc, intransigeance et promptitude à se porter en avant avec des forces pures, quand le juste moment sera arrivé.

Ceci implique aussi, naturellement, la résolution de se débarrasser de la distorsion idéologique, malheureusement diffuse aussi dans une partie de la jeunesse, par le truchement de laquelle on se concède des alibis pour les destructions déjà survenues, en s'illusionnant avec la pensée que, somme toute, elles étaient nécessaires et qu'elles serviront au "progrès" ; que l'on se doit de combattre pour quelque chose de "nouveau", situé dans un avenir déterminé, et non pour des vérités que nous possédons déjà parce que, même sous des formes variées d'application, elles ont, toujours et partout, servi de base à tous les types supérieurs d'organisation sociale et politique. Que ces nuées soient repoussées ! Et que l'on oppose le rire à ceux qui nous accusent d'être "antihistoriques" et "réactionnaires". L'Histoire, entité mystérieuse, écrite avec une majuscule, reste toujours sur le même plan de ce qui doit être combattu. Voici ce que nous devons affirmer : que tout ce qui est économique et intérêt économique, en tant que pure et simple satisfaction de besoins physiques, a eu, a et aura toujours une fonction subordonnée chez une humanité normale ; qu'au-delà de cette sphère doit se différencier un ordre de valeurs supérieures, politiques, spirituelles et héroïques, un ordre, qui —ainsi que nous l'avons déjà dit — ne connaît, et pas même n'admet, de "prolétaires" ou de "capitalistes", et en fonction duquel, doivent être seulement définies les choses pour lesquelles il vaut de vivre et de mourir, doit s'établir une vraie hiérarchie, doivent se différencier de nouvelles dignités et, au sommet, doit trôner une fonction supérieure de commandement.

medium_York.jpgC'est ainsi qu'à cet égard, doivent être arrachées maintes mauvaises herbes qui ont pris racines çà et là. Qu'est-ce, en effet, que parler "d'Etat du travail", de "socialisme national", "d'humanisme du travail" et d'autres fredaines de ce genre ? Que sont donc ces propositions, plus ou moins déclarées, en faveur d'une involution de la politique dans l'économie, presque semblables aux tendances problématiques en direction d'un "corporatisme intégral" et, au fond, acéphale, qui, durant le fascisme, trouvèrent déjà, heureusement, la route barrée devant elles ? Qu'est-ce encore que prendre en considération la formule de la "socialisation" à la façon d'une sorte de panacée et hisser "l'idée sociale" au rang d'un symbole, lequel — on ne sait trop comment — devrait être au-delà tant de "l'Orient" que de "l'Occident" ?

Tels sont — il faut le reconnaître — les plans d'ombre qui sont présents en nombre d'esprits, lesquels toutefois à d'autres égards, se trouvent rangés sur notre front. Ces esprits estiment, de la sorte, être fidèles à une consigne "révolutionnaire", alors qu'ils ne font qu'obéir à des suggestions plus fortes qu'eux et dont est saturé un milieu politique dégradé. Quand se rendra-t-on compte finalement de la vérité, à savoir que le marxisme n'apparut point parce qu'existe une réelle question sociale, mais que la question sociale naquit — en de très nombreux cas —uniquement du fait qu'existe un marxisme, autrement dit, artificiellement, quoiqu'en termes presque toujours insolubles, par les oeuvres d'agitateurs, des fameux "réveilleurs de la conscience de classe", à propos desquels Lénine s'est exprimé fort clairement, lorsqu'il a réfuté le caractère spontané des mouvements révolutionnaires prolétariens ?

C'est en partant de cette prémisse qu'il conviendrait d'agir, avant tout dans le sens de la déprolétarisation idéologique, de la désinfection des parties encore saines du peuple, contaminées par le virus socialiste. C'est seulement alors que telle ou telle réforme pourra être étudiée et mise en acte sans péril, selon une vraie justice.

C'est ainsi qu'à titre de cas particulier, on verra selon quel esprit l'idée corporative peut être de nouveau une des bases de la reconstruction : corporatisme, non tellement comme système général de composition d'Etat, et presque bureaucratique, qui maintienne l'idée délétère de fronts opposés, mais bien comme l'exigence qu'à l'intérieur même de l'entreprise soit restaurée cette unité, cette solidarité de forces différenciées, que la prévarication capitaliste (avec l'apparition des substrats de type parasitaire, que sont le spéculateur et le capitaliste-financier), d'une part, et l'agitation marxiste, d'autre part, ont lésées et brisées. Il convient de conduire l'entreprise à la forme d'une unité presque militaire, en laquelle à l'esprit de responsabilité, à l'énergie et à la compétence de celui qui dirige, fassent pendant la solidarité et la fidélité des forces ouvrières, associées à lui dans la commune entreprise. Le but unique et véritable est donc de parvenir à la reconstruction organique de l'entreprise : pour y parvenir, il n'est point nécessaire de se servir de formules, visant à aduler, pour de basses fins propagandistes et électorales, l'esprit de sédition, travesti de "justice sociale", des couches inférieures des masses. D'une manière générale, devrait être remis en usage le style même d'impersonnalité active, de dignité, de solidarité dans la production, qui fut le propre des antiques corporations artisanales et professionnelles. Le syndicalisme, avec sa "lutte" et ses authentiques chantages, dont les temps actuels ne nous offrent que trop d'exemples, doit être mis au ban. Mais, redisons-le, c'est en partant de l'intérieur que l'on parviendra à de tels résultats. L'important est que, contre toute forme de ressentiment et d'antagonisme social, chacun sache reconnaître et aimer sa propre place, conforme à sa propre nature, en reconnaissant aussi, de la sorte, les limites dans lesquelles il lui est licite de développer ses possibilités et de parvenir à sa propre perfection : car un artisan qui satisfait parfaitement à sa fonction, est indubitablement supérieur à un roi qui triche et qui n'est pas à la hauteur de sa dignité.

En particulier, on peut admettre un système de compétences techniques et de représentations corporatives, pour supplanter le parlementarisme des partis ; mais on doit tenir présent à l'esprit que les hiérarchies techniques, dans leur ensemble, ne peuvent signifier rien de plus qu'un degré dans la hiérarchie intégrale : elles concernent l'ordre des moyens, à subordonner à l'ordre des fins, auquel correspond seulement la partie proprement politique et spirituelle de l'Etat. Parler, au contraire, d'un "Etat du travail" ou de la production, revient à faire de la partie, le tout, revient à s'en tenir à ce qui peut correspondre à un organisme humain réduit à ses fonctions simplement physico-vitales. Ni une telle chose obtuse et sans lumière, ni l'idée "sociale" elle-même, ne peuvent être notre drapeau. La véritable antithèse à "l'Orient", comme à "l'Occident", n'est pas "l'idéal social". Elle est, au contraire, l'idée hiérarchique intégrale. Quant à ce point, aucun doute n'est permis.

Si l'idéal d'une unité politique organique fut reconnu au cours de la période précédente, il convient de dénoncer les cas dans lesquels une telle exigence dévia et avorta presque, selon la direction erronée du totalitarisme. Ceci, une fois de plus, est un point qui doit être considéré comme clarté, afin que la différenciation des fronts soit précise et aussi pour que des armes ne soient point fournies à ceux qui veulent intentionnellement confondre les choses. La conception organique n'a rien à faire avec la sclérose idolâtrique de l'Etat ni avec une centralisation niveleuse. Quant aux particuliers, on ne parvient à un véritable dépassement, tant de l'individualisme que du collectivisme, qu'au seul moment où des hommes se trouvent en face d'autres hommes, en la diversité naturelle de leur être et de leur dignité. Quant à l'unité, qui doit, en général, empêcher toutes formes de dissociation et d'absolutisation du particulier, elle doit être essentiellement spirituelle, elle doit être celle d'une influence centrale, orientatrice d'une impulsion qui, selon les domaines, assume des formes très différenciées d'expression. Telle est la véritable essence de la conception "organique", opposée aux rapports, rigides et extrinsèques, qui sont propres au "totalitarisme". Dans un tel cadre, l'exigence de la dignité et de la liberté de la personne humaine, que le libéralisme ne sait concevoir qu'en termes individualistes, égalitaires et d'ordre privé, peut se réaliser intégralement. C'est en un tel esprit que les structures d'un nouvel ordonnancement politico-social sont à étudier, selon de solides et de claires articulations.

Mais de pareilles structures ont besoin d'un centre, d'un point suprême de référence. Un nouveau symbole de souveraineté et d'autorité est nécessaire. A cet égard, la consigne doit être précise et les tergiversations idéologiques ne peuvent être admises. Il est clair qu'ici on ne traite que de façon subordonnée ce qu'on appelle le problème institutionnel : il s'agit, avant tout, de ce qui est nécessaire pour un climat spécifique, pour le fluide qui doit animer tous les rapports de fidélité, d'attachement, de dévouement, d'action non individuelle, afin que la grisaille, le caractère mécanique et l'obliquité du monde politico-social actuel soient vraiment dépassés. Ici, aujourd'hui, tout finira en des impasses si personne, au sommet, n'est capable d'une sorte d'ascèse de l'idée pure. Les tragiques contingences d'hier, chez beaucoup, portent préjudice à la claire perception de la direction juste. Nous ne pouvons que reconnaître l'inopportunité de la solution monarchique, lorsque l'on a en vue ceux qui ne savent, aujourd'hui, que défendre un résidu d'idées, un symbole vide et dévirilisé tel que celui de la monarchie constitutionnelle parlementaire. Mais, d'une manière tout aussi énergique, on doit déclarer l'incompatibilité de l'idée républicaine. Etre, d'un côté, antidémocrate, et, de l'autre, défendre l'idée républicaine, est une absurdité presque tangible : la république (nous parlons ici des républiques modernes, car les républiques antiques furent des aristocraties — comme à Rome — ou des oligarchies présentant souvent un caractère de tyrannie) appartient essentiellement au monde qui reçut la vie à travers le jacobinisme et la subversion antitraditionnelle et antihiérarchique du XIXè siècle. Qu'à un tel monde, qui n'est pas le nôtre, elle soit laissée. En principe, une nation autrefois monarchique qui devient une république, ne peut être considérée que comme une nation "déclassée".

medium_elveshorn.jpgIl faut donc s'en tenir uniquement à une doctrine de l'Etat ayant pour base un principe supérieur, "transcendant" en un certain sens l'autorité, sans accepter de descendre de niveau et sans faire le jeu d'aucun groupe. La concrétisation du symbole peut être laissée à l'indétermination et renvoyée à plus tard : la tâche essentielle, pour le moment, est de préparer silencieusement le milieu spirituel adéquat, afin que ce symbole d'une intangible autorité supérieure soit perçu et qu'il puisse recouvrir la plénitude de sa signification : à laquelle ne saurait correspondre la stature de quelque révocable "président" de république, et pas même celle d'un tribun ou d'un chef du peuple, détenteur d'un simple pouvoir individuel, informe et vide de tout charisme supérieur, s'appuyant, au contraire, sur le prestige précaire qu'il exerce sur les forces irrationnelles des masses. Il s'agit de ce que certains ont dénommé le "bonapartisme" et que Michels et Burham ont justement identifié en sa signification, non d'antithèse à la démocratie démagogique ou "populaire", mais comme sa conclusion logique : une des apparitions obscures, dans Le déclin de l'Occident de Spengler. Voici une nouvelle pierre de touche : la sensibilité à l'égard de tout ceci. Déjà un Carlyle avait parlé "du monde des domestiques qui veut être gouverné par un pseudo-héros" — non par un seigneur.

Dans un ordre analogue d'idées, il importe de préciser un autre point. Il s'agit de la position qu'il convient de prendre à l'égard du nationalisme et de l'idée générale de patrie. Ceci est d'autant plus opportun qu'aujourd'hui maints esprits, cherchant à sauver ce qui peut encore l'être, voudraient restaurer une conception sentimentale et, en même temps, naturaliste de la nation : ce qui est une notion étrangère à la plus haute tradition politique européenne et ne se concilie que bien peu avec l'idée même d'Etat telle qu'elle vient d'être exposée. En allant jusqu'à faire abstraction du fait que l'on voit l'idée de patrie emphatiquement et hypocritement invoquée par les partis les plus opposés, et même par les représentants de la subversion rouge, cette conception, présentement, n'est déjà plus à la hauteur des temps, parce que, d'une part, on assiste à la formation de grands blocs supranationaux, et que, d'autre part, il apparaît toujours plus nécessaire de trouver un point de référence européen, capable d'aboutir à l'unité au-delà des inévitables particularismes qui restent liés à l'idée naturaliste de la nation et, plus encore, au "nationalisme". Mais la question de principe est la plus essentielle. Le plan politique, en tant que tel, est celui d'unités supérieures par rapport aux unités qui se définissent en termes naturalistes, comme le sont celles correspondant aux notions générales de nation, de patrie et de peuple. Sur ce plan supérieur, ce qui unit et ce qui divise, c'est l'idée, une idée incarnée par une élite déterminée, et qui tend à se concrétiser dans l'Etat. Voici pourquoi la doctrine fasciste — qui, en ceci, resta fidèle à la meilleure tradition politique européenne —donna à "l'Idée" et à "l'Etat" la primauté sur la "nation" et le "peuple", et entendit que "nation" et "peuple" fussent, seulement dans "l'Etat", en mesure d'acquérir une signification et une forme, et de participer alors à un degré supérieur d'existence. C'est précisément en des périodes de crise comme la nôtre qu'il importe de s'en tenir fermement à cette doctrine. C'est dans l'Idée qu'il sied de reconnaître notre véritable patrie. Non le fait d'être d'une même terre ou d'une même langue, mais le fait d'être de la même idée : voici ce qui compte aujourd'hui. Là est la base, là se trouve le point de départ. A l'unité collectiviste de la nation — celle des "enfants de la patrie" — telle qu'elle a toujours prédominé depuis la révolution jacobine jusqu'à nos jours, nous autres, en tout cas, nous opposons quelque chose qui ressemble à un Ordre, en hommes fidèles à des principes, en témoins d'une autorité et d'une légitimité supérieures procédant précisément de l'Idée. Pour autant qu'aujourd'hui, à de fins pratiques, il soit souhaitable d'en venir à une nouvelle solidarité nationale, en prenant garde de ne céder à aucune compromission, la première chose à faire pour y parvenir, sans laquelle tout résultat serait illusoire, consiste à favoriser la mise en forme d'un rassemblement défini par l'Idée — en tant qu'idée politique et conception de vie. En vérité, il n'existe pas d'autre voie à l'heure présente : il faut que, parmi les ruines, se rénove le processus des origines, celui qui, en fonction des élites et du symbole de souveraineté ou d'autorité, fit un les peuples dans les grands Etats traditionnels, à la manière de formes surgissant de l'informe. Ne pas avoir l'entendement de ce réalisme de l'Idée signifie s'en tenir à un plan, somme toute, infra-politique : celui du naturalisme et du sentimentalisme, pour ne pas dire de la rhétorique patriotarde. Idée, Ordre, élite, Etat, hommes de l'Ordre — qu'en de tels termes soient maintenus les rangs, tant qu'il sera possible.

Il convient de dire aussi quelques mots à propos de la culture. Mais avec mesure. Nous autres, en effet, nous ne surévaluons point la culture. Ce que nous appelons "vision du monde" ne se base pas sur les livres ; il s'agit d'une forme intérieure qui peut être plus précise chez une personne sans culture particulière que chez un "intellectuel" et un écrivain. Parmi les néfastes effets de la "libre culture" à la portée de tous, on doit inscrire le fait que l'individu est livré à des influx de tout genre, même s'il n'est pas capable de réagir en face d'eux, de discriminer et de juger avec rectitude.

Mais nous n'insisterons davantage sur ce point, sinon pour relever que, dans l'état actuel des choses, existent des courants spécifiques contre lesquels la jeunesse d'aujourd'hui doit se défendre intérieurement. Nous avons parlé, en premier lieu, d'un style de droiture, de bonne tenue intérieure. Ce style implique un juste savoir, et les jeunes, en particulier, doivent se rendre compte de l'intoxication que provoquent, au sein de toute une génération, les variétés concordantes d'une vision déformée et fausse de la vie, lesquelles se sont répercutées sur les forces intérieures. Sous l'une ou l'autre forme, ces toxines continuent à agir dans la culture, dans la science, dans la sociologie, dans la littérature, comme autant de foyers d'infection qui doivent être isolés et frappés. En dehors du matérialisme historique et de l'économisme, dont nous avons déjà parlé, les principaux de ces foyers sont constitués par le darwinisme, la psychanalyse et l'existentialisme.

Contre le darwinisme, il convient de revendiquer la dignité fondamentale de la personne humaine en reconnaissant son vrai lieu, qui n'est pas celui d'une espèce animale particulière, plus ou moins évoluée, entre tant d'autres, espèce qui se serait différenciée par "sélection naturelle" et toujours liée à des origines bestiales et primitives, mais qui est virtuellement capable de l'élever au-delà du plan biologique. Si l'on ne parle plus tellement de darwinisme, aujourd'hui, il n'en reste pas moins que sa substance demeure. Le mythe biologique darwinien, en telle ou telle autre variante, prend une valeur précise de dogme, défendu par les anathèmes de la "science", dans le matérialisme, qu'il soit aussi bien celui de la civilisation marxiste que celui de la civilisation américaine. L'homme moderne s'est accoutumé à cette conception dégradée, s'y reconnaît désormais tranquillement, la trouve naturelle.

Contre la psychanalyse doit prévaloir l'idéal d'un "moi", qui n'abdique pas, qui entend rester conscient, autonome et souverain, en face de la partie nocturne et souterraine de son âme et du démon de la sexualité ; qui ne se sent, ni "refoulé", ni ses facultés orientées par une signification supérieure des modes de vie et d'action. Une convergence évidente peut être signalée : la négation du principe conscient de la personne, le relief donné au subconscient, à l'irrationnel, à "l'inconscient collectif" et autres nuées, par la psychanalyse et par les écoles assorties, correspondent exactement, dans l'individu, à tout ce que le mouvement vers le bas, la subversion, la substitution révolutionnaire du supérieur par l'inférieur et le mépris à l'égard de tous les principes d'autorité, représentent dans le monde moderne, social et historique. Sur deux plans différents, la même tendance agit, et les deux effets ne peuvent pas ne pas s'intégrer réciproquement.

Quant à l'existentialisme, en dehors de ce qui se trouve, en lui, de philosophie proprement dite — une philosophie confuse —laquelle, jusqu'à hier, relevait de cercles fort restreints de spécialistes, il convient d'y reconnaître l'état d'esprit d'une crise devenue système, et adulée comme telle, la vérité d'un type humain divisé et contradictoire, subissant, comme une angoisse, un sort tragique et une absurdité, une liberté par laquelle il ne se sent pas élevé, devant laquelle il se sent plutôt sans issue et sans responsabilité, condamné au sein d'un monde privé de valeur et de signification. Tout ceci, alors que le meilleur Nietzsche avait déjà indiqué une voie pour retrouver un sens de l'existence et se donner à soi-même une loi et une valeur intangible, même en face d'un nihilisme radical, sous le signe d'un existentialisme positif et, selon son expression, de "nature noble".

Telles sont les lignes de dépassements qui ne doivent pas être intellectualisés, mais vécus, réalisés en leur signification directe pour la vie intérieure et pour la conduite personnelle. Il est impossible de se relever tant que l'on reste, de quelque façon, sous l'influence de pareilles formes d'une pensée faussée et dévoyée. Une fois désintoxiqué, il est possible de parvenir à la clarté, à la droiture, à la force.

medium_Alice.jpgDans la zone située entre culture et usages, il sera bon de préciser ultérieurement une attitude. Le communisme a lancé le mot d'ordre de l'antibourgeoisie, qui a été repris aussi, dans le domaine de la culture, par certains milieux intellectuels "engagés". Il s'agit là d'un point à propos duquel il convient d'y voir bien clair. De même que la société bourgeoise est quelque chose d'intermédiaire, il existe de même une double possibilité de surpasser la bourgeoisie, de dire non au type bourgeois, à la civilisation bourgeoise, à l'esprit bourgeois et aux valeurs bourgeoises. La première possibilité correspond à la direction conduisant plus bas encore, c'est-à-dire vers une humanité collectivisée et matérialisée avec son "réalisme" d'extraction marxiste : valeurs sociales et prolétariennes contre le "décadentisme bourgeois" et "capitaliste". Mais la seconde possibilité est la direction de celui qui combat la bourgeoisie pour s'élever effectivement au-dessus d'elle. Les hommes du nouveau front seront, oui ! antibourgeois, mais sur la base de la conception supérieure, héroïque et aristocratique, de l'existence que nous avons définie. Ils seront antibourgeois parce qu'ils dédaignent la vie commode ; antibourgeois parce qu'ils suivront, non point ceux qui promettent des avantages matériels, mais ceux qui exigent tout d'eux-mêmes ; antibourgeois, enfin, parce qu'ils n'ont pas la préoccupation de la sécurité, mais qu'ils aiment une union essentielle entre vie et risque, sur tous les plans, en faisant leur l'inexorabilité de l'idée nue et de l'action précise. Un autre aspect encore, par lequel l'homme nouveau, substance cellulaire du mouvement de réveil, sera antibourgeois et se différenciera de la génération précédente, sera constitué par son intolérance à l'égard de toutes les formes de rhétorique et de faux idéalisme, envers toutes les grandes paroles, écrites avec la majuscule, envers tout ce qui n'est que gesticulation, phrases à effet et mise en scène. Souci de l'essentiel, au contraire, nouveau réalisme dans l'art de se mesurer exactement avec les problèmes qui s'imposeront, volonté de faire en sorte que vaille, non l'apparence, mais l'être, non le bavardage, mais bien plutôt la réalisation silencieuse et exacte, en syntonie avec les forces qui se trouvent dans la même direction et en adhésion avec le commandement qui vient d'en-haut.

Celui qui, contre les forces de gauche, ne sait réagir qu'au nom des idoles, du style de vie et des médiocres moralités conformiste du monde bourgeois, a déjà perdu d'avance la bataille. Là n'est pas ce qui convient à l'homme qui se tient debout après avoir traversé le feu purificateur de destructions extérieures et intérieures. Un tel homme, de même que, politiquement, il n'est pas l'instrument d'une pseudo-réaction bourgeoise, de même, en général, il reprend des forces et des idéaux antérieurs et supérieurs au monde bourgeois et à l'ère économique, et c'est avec eux qu'il crée les lignes de défense et consolide les positions d'où, au moment opportun fulgurera l'action de la reconstruction.

Considérons un dernier point : celui des rapports avec la religion dominante. Il n'est pas douteux qu'un facteur "religieux" est nécessaire comme arrière-fond pour une vraie conception héroïque de la vie, telle qu'elle doit être essentielle pour notre front. Il importe de percevoir en soi-même l'évidence qu'au-delà de cette vie terrestre existe une vie plus haute, car seul celui qui le perçoit, possède une force infrangible et inébranlable, et lui seul sera capable d'un élan absolu — alors que, si fait défaut une telle sensation, défier la mort et ne tenir nul compte de sa propre vie n'est possible qu'en des moments sporadiques d'exaltation ou lors du déchaînement de forces irrationnelles : il n'y a pas de discipline qui puisse se justifier chez l'individu, avec une signification supérieure et autonome. Mais cette spiritualité, qui doit être vivante parmi les nôtres, n'a pas besoin de formulations dogmatiques obligatoires, ni d'une confession religieuse donnée. Quoi qu'il en soit, le style de vie qu'il sied d'en tirer n'est pas celui du moralisme catholique, lequel ne vise, tout au plus, qu'à un "vertuisme" domestiqué de l'animal humain. Politiquement, cette spiritualité ne peut pas ne pas nourrir la plus grande défiance à l'égard de tout ce qui ressemble à l'humanitarisme, à l'égalitarisme, au principe de l'amour, qui font partie intégrante de la conception chrétienne, en lieu et place de l'honneur et de la justice. Certes, si le catholicisme était capable de faire sienne la ligne d'une haute ascèse et, précisément sur cette base, presque à la manière d'une renaissance de l'esprit qui présida au meilleur Moyen Age avec ses croisades, s'il était capable de faire de la foi l'âme d'un bloc armé de forces, presque à la manière d'un nouvel Ordre Templier, compact et inexorable contre les courants du chaos, de l'abdication, de la subversion et du matérialisme pratique du monde moderne — certes ! en un tel cas, et même dans le cas où il ne s'en tiendrait fermement, comme minimum, qu'aux positions du Syllabus, il ne pourrait exister, pour notre choix, un seul instant de doute. Mais, au train où vont les choses, c'est-à-dire vu le niveau médiocre et, au fond, bourgeois et paroissial auquel est aujourd'hui pratiquement descendu tout ce qui est religion confessionnelle, et vu la régression moderniste, avec la croissante "ouverture à gauche" de l'Eglise post-conciliaire de la "mise à jour", à l'usage de nos hommes pourra suffire la pure référence à l'esprit, en tant qu'évidence d'une réalité transcendante à invoquer pour greffer en nos forces une autre force, pour pressentir que notre lutte n'est pas seulement une lutte politique, et pour attirer une invisible consécration sur un nouveau monde d'hommes et de chefs d'hommes.

medium_Serra_20Angel_20vs_20Spectre.jpgTelles sont quelques-unes des orientations essentielles pour la bataille à mener, essentiellement écrites à l'usage de la jeunesse, afin qu'elle reprenne le flambeau et le mot d'ordre, des mains de qui n'est pas tombé, en tirant leçon des erreurs du passé, en sachant bien discriminer et revoir tout ce qu'elle a ressenti et qu'elle ressent encore, aujourd'hui, de situations contingentes.

L'essentiel est de ne point descendre au niveau des adversaires ; de ne pas se réduire à agiter de simples consignes ; de ne pas insister outre mesure sur ce qui, étant d'hier, même s'il est digne d'être remémoré, ne possède pas une valeur actuelle et impersonnelle d'idée-force ; de ne pas céder aux suggestions du faux réalisme politicien, tare de tous les "partis". Certes oui ! il est nécessaire que nos forces agissent aussi dans le corps-à-corps de la lutte politique, afin de se créer tout l'espace possible au sein de la situation actuelle et de contenir l'assaut, sinon presque sans réplique, des forces de gauche. Mais, en dehors de ceci, il est important, il est essentiel que se constitue une élite, laquelle, en une intensité recueillie, définisse, selon une rigueur intellectuelle et une intransigeance absolues, l'idée en fonction de laquelle on a le devoir d'être unis, et il est essentiellement important que cette élite proclame surtout une telle idée dans la forme de l'homme nouveau, de l'homme qui ne se courbe pas, de l'homme qui se tient droit parmi les ruines. S'il nous est donné de franchir cette période de crise et d'ordre vacillant et illusoire, c'est à cet homme, et à lui seul, qu'appartiendra l'avenir. Mais quand bien même le destin que le monde moderne s'est créé et qui maintenant l'entraîne au gouffre, ne pourrait être endigué, grâce à de telles prémisses, les positions intérieures seront maintenues : quoi qu'il puisse advenir, ce qui pourra être fait sera fait, et nous appartiendrons toujours à cette patrie, qui, par nul ennemi, ne pourra jamais être ni occupée, ni détruite.

Julius EVOLA

Traduction de Pierre Pascal